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lices et l’avarice de quelques hommes ont établi l’inégalité, source de tous les maux, et courbé les plus faibles sous le joug des plus forts. »

Cette espèce de sages existe en beaucoup d’endroits de la terre habitée ; car il convenait que la Grèce et les pays barbares possédassent également ces modèles de vertu. On les trouve en plus grand nombre en Égypte, dans chacune des provinces qu’on appelle nomes, et surtout aux environs d’Alexandrie. De toutes parts les thérapeutes les plus distingués se donnent rendez-vous à une espèce de maison-mère de la secte, située à un endroit très avantageux, au bord du lac Maria[1], sur une colline peu élevée, aussi bien choisie pour la sûreté du lieu que pour la pureté de l’air. La sûreté est fournie par une ceinture de métairies et de villages, et la bonté de l’air provient des brises continuelles qui s’élèvent non seulement du lac à son embouchure dans la mer, mais encore de la mer elle-même, qui est voisine. Les brises de la mer sont subtiles, celles de l’embouchure du lac sont épaisses, et de leur mélange résulte un état atmosphérique très salubre.

Les établissements de thérapeutes, selon la description que nous en donne Philon, n’étaient pas des monastères à la façon de l’Occident, ni des séries de cases contiguës ; c’étaient des laures à la façon des couvents du Mont-Athos, ou des espèces de béguinages. Les cases, d’une simplicité extrême, garnies de pauvres nattes, étaient assez éloignées les unes des autres pour que les solitaires ne pussent se gêner, assez rapprochées pour qu’ils pussent se porter secours. Dans chacune était une espèce d’oratoire appelé semnée ou mystère ; là, le solitaire accomplissait les actes les plus sacrés de sa vie religieuse, lisait la Loi, les prophètes, les Psaumes et les autres livres sacrés. Les femmes étaient admises dans l’ordre. Elles gardaient une rigoureuse virginité, uniquement occupées comme les hommes de la méditation de la Loi.

« La pensée de Dieu leur est toujours présente, même dans leur sommeil. Ils ne voient en rêve que les beautés des Vertus de Dieu et ses Puissances. Beaucoup parlent en dormant et reçoivent dans leurs songes les plus hauts enseignements de la science sacrée[2]. »

  1. Le lac Mariout, Marœotis des anciens.
  2. Trait bien philonien. Cf. le traité lUf : xo^ 6£07t£[x : îioù ; stvatToù ; ovs’.poj ;.