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toniciens d’Alexandrie le connurent : Numénius d’Apamée, en particulier, le prit comme un de ses maîtres[1] ; il exagéra même son admiration, puisqu’il allait, dit-on, jusqu’à prétendre que Philon lui apprenait le véritable esprit du platonisme mieux que Platon lui-même.

Ce qui est vrai, c’est que Philon fut, dans le judaïsme, un phénomène absolument unique. Josèphe est tout autre chose. Bien moins philosophe que Philon, il n’a pas ces coquetteries de spéculation où se plaît l’Alexandrin. Son fond hellénique est arrivé à la forme la plus simple, la plus classique, si j’ose le dire : Dieu et l’immortalité. Les précautions du patriote sont les mêmes ; le caractère moral de Philon nous paraît supérieur : mais les temps de Josèphe furent si terribles ! Josèphe est plus hébraïsant que Philon ; son grec est celui d’un homme qui, écrivant artificiellement une langue apprise, emploie concurremment des mots pris de tous les côtés ; il nous avoue lui-même qu’il le prononçait mal. Ni l’un ni l’autre n’était dans la direction qui devait engendrer l’avenir. Ce sont des lettrés, et les lettrés font peu de chose. C’est des pauvres conventicules de messianistes et d’égarés de Palestine, gens ignorants, n’ayant pas de philosophie, ne sachant pas un mot de grec, que sortira Jésus.

III
LA VIE CONTEMPLATIVE

La grande préoccupation de Philon est l’idée d’une vie philosophique parfaite, où l’âme, livrée sans relâche à la méditation de l’infini, s’absorbe en l’objet de ses méditations et s’élève au-dessus de tous les soucis matériels. Les esséniens de Palestine réalisaient à beaucoup d’égards ce programme, et

  1. Orig. du Christ., VII, p. 434-435.