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d’un barbon hideux, enveloppé de haillons, n’était guère fait pour expliquer ce qu’il y avait d’étrange et d’incompréhensible dans tout ceci. Cela compliquait encore l’énigme, et l’esprit intrigué et frappé de M. le lieutenant-général alla se perdre de nouveau dans des abîmes d’interprétations. Quand notre esprit est en proie à quelque chose d’obscur ou qu’il ignore, il fait de belles chevauchées dans les espaces de l’imagination.

Lorsque M. d’Argenson se fut bien réjoui, se fut bien saturé le regard de toutes ces merveilleuses choses que sa bonne fortune venait pour ainsi dire de déposer à ses pieds, au milieu des circonstances les plus bizarres, il se prépara enfin à quitter la cellule. D’abord il ordonna à ses gens d’en sortir ; mais, comme il allait lui-même en passer le seuil, il lui sembla voir à terre quelque chose tout auprès du corps du jeune homme.

Il revint sur ses pas et il ramassa en effet une petite lampe de fer portative, puis un reste de crayon usé jusqu’à l’extrémité, et un petit livret de poche couvert d’un cuir historié à peu près semblable à ce que nous appelons aujourd’hui un agenda ou portefeuille.

M. d’Argenson l’ouvrit, y jeta rapidement les yeux… Il était chargé sur toutes ses pages d’une écriture irrégulière, lourdement tracée à la mine de plomb.

La possession d’un tel objet lui fit concevoir tout de suite l’espérance d’y pouvoir rencontrer quelque renseignement, sinon une révélation entière, quelques notes consignées par ces victimes sur la mort cruelle qu’elles avaient endurée dans ce souterrain, et la source des richesses qui s’y trouvaient recelées. Il emporta donc ce livret.

Mais comme il n’eut pas été prudent de laisser l’immense trésor de la cellule, bien fait pour donner de la convoitise au cœur le moins cupide, à la merci des évènements et du premier larron qui se sentirait en goût d’y faire une visite, il referma provisoirement la grille avec son cordon de chevalier de l’ordre du Saint-Esprit, comme pour y apposer un sceau ou scellé royal et en prendre possession au nom de son maître, à l’instar d’un navigateur qui vient de poser le pied sur une terre nouvelle.

Ensuite, ayant recommandé à ses hommes, sous promesse d’une forte récompense, de garder un silence absolu sur tout ce qu’ils venaient de voir, il évacua avec eux le souterrain. Puis il fit appeler deux des archers qui nous gardaient prisonniers au château, et par conséquent étaient dans l’ignorance la plus complète à l’égard de la nouvelle découverte ; il les plaça à l’entrée, leur donnant pour con-