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REVUE DE PARIS.

— La dîme, monsieur le prêtre, répliquait le vieil orfèvre, est un odieux impôt levé sur celui qui travaille par celui qui n’ensemence point. C’est inutile, monsieur, je ne donnerai rien.

— La parole de Dieu, monsieur le religionnaire, est un grain non moins précieux, reprenait le noble pasteur, que le grain du froment ou du seigle, et celui qui le répand dans les sillons de l’esprit peut bien être compté aussi pour un laboureur. La dîme, d’ailleurs, monsieur, est le tribut le plus juste ; elle demande où il y a, et s’abstient où il manque.

Durant l’hiver, quelquefois le saint recteur lui disait aussi : — J’ai des pauvres qui souffrent et qui ont froid ; que pouvez-vous faire pour nous aider à les consoler et à les couvrir ?

Mais l’homme au cœur desséché par l’avarice répondait : — Ne voyez-vous pas que moi-même je suis pauvre, et que je vis ici à l’écart dans le plus profond dénuement ?

Il affichait toujours ainsi de mettre en avant sa hideuse parodie de la misère, afin de donner le change sur sa condition et d’entourer ses richesses de plus de sûreté.



IX.


Il y avait plusieurs années que maître Jean d’Anspach vivait ainsi de cette vie d’anachorète, quand tout à coup il disparut de sa retraite et du monde sans éclat, sans bruit, ténébreusement, vaguement, comme autrefois il était de bon goût qu’après leurs lois promulguées disparussent les grands législateurs.

Ce fut encore le bon et vigilant curé qui donna le premier l’éveil de cette absence.

Ayant cogné plusieurs fois au guichet du luthérien sans obtenir de réponse, le soupçon lui vint naturellement que le vieillard pouvait bien être mort ou agonisant dans quelque coin de sa demeure, et avoir grand besoin des secours de l’art, sinon de la sépulture.

Aussitôt, sur son avis, les portes avaient été enfoncées, et la foule, toujours avide d’émotion, s’était précipitée de tous côtés dans le repaire exécré et jusqu’alors impénétrable de l’avare.

L’un croyait ouïr pleurer au fond du puits le vieil hérétique, l’autre l’entendre jeter des plaintes dans les buissons ou dans les caves. Mais je vous laisse à penser quel dut être l’étonnement des hauts bonnets de l’endroit et de la multitude accourue pour assister à cette