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REVUE DE PARIS.

Or, pendant que Suzanne, la gentille magicienne, se déshabillait ; pourquoi se déshabillait-elle ? je ne sais : il est à croire toutefois que les vêtements, qui sont une chose contre nature, paralysent les sortilèges, puisque nous voyons les auteurs les plus scrupuleux et les mieux famés en user ainsi avec leurs nécromants ; — pendant, dis-je, que Suzanne se déshabillait, voulant jouer l’homme de sang-froid et de courage, une bougie à la main gauche et une épée dans la droite, j’entrai bravement dans la caverne, et je me mis à la parcourir dans tous les sens, mais sans y rien rencontrer, pas même un hibou.

Suzanne à son tour y pénétra. Elle était sous le harnois d’un simple petit jupon garni d’une fine dentelle… Oh ! l’appétissante petite sorcière !… Elle portait un flambeau de résine et un grimoire tout large ouvert.

Avec un seul homme de la troupe, je fus placé alors à l’entrée de la caverne ; le reste de la compagnie eut l’ordre de demeurer dans l’éloignement.

Il y avait à peine quelques instants que, mon compagnon et moi, nous nous tenions ainsi aux écoutes, quand tout à coup nous entendîmes Suzanne parler et s’écrier d’une façon très impérative :

— Voilà bien des fois que tu fausses ta promesse ! Je veux, je prétends, j’ordonne que tu me livres à l’instant le trésor.

À cette injonction, une voix qui ne pouvait être à coup sûr que la voix d’un génie infernal, répondit :

— Tu ne sauras vaincre ma résistance cette nuit, ne m’importune pas davantage, il y a trop de monde avec toi ; et si le prêtre, ton compagnon, ou tout autre, s’avise d’enfreindre la loi que j’impose, je jure de lui tordre le cou en ta présence.

En entendant ce singulier discours, je partis d’un grand éclat de rire, qui retentit longtemps dans la caverne. Était-ce un rire bien sincère ? Je n’oserais le croire ni raffirmer aujourd’hui, car tout cet appareil nocturne n’était pas sans avoir fait quelque impression sur mon esprit. Il y a dix à parier contre un que je frissonnais tout bas, comme dit Montaigne, dans la citadelle de mon pourpoint. Mon acolyte semblait pétrifié.

— Lui tordre le cou en ma présence ! Non, non, je ne te redoute pas, répliqua Suzanne ; je saurai t’en empêcher.

— Eh bien ! alors, cria la voix mystérieuse, tremble pour toi-même.

Le diable, en proférant cette dernière menace, se mit, sans aucun