Page:Revue de Paris - 1843, tome 16.djvu/225

Cette page n’a pas encore été corrigée
223
REVUE DE PARIS.

— Ceci passe les bornes, mon révérend ; je ne redoute pas le diable assurément, mais je ne dis pas pour cela que je l’affectionne. Trinquez à sa prospérité, si bon vous semble ; quant à moi, je m’en abstiendrai.

— Vous avez donc peur du diable ?

— Mon révérend, je vous ai donné l’assurance du contraire.

— Ah ! tant mieux ! car je veux faire votre fortune, répliqua le moine en baissant la voix et en affectant un air de bienveillance.

— Faire ma fortune !… Merci, mon père, vous êtes bien honnête, mais par le temps présent ce n’est pas chose facile qu’une fortune à faire, à moins d’aller annoncer le saint Évangile dans les Indes.

— Écoutez-moi, mon cher comte ; je vous parle sérieusement. Nous devons enlever à Arcueil un trésor caché dans une caverne. Tout est préparé pour faire réussir l’entreprise dès ce soir même, n’en doutez pas. Venez, si vous l’osez, et vous partagerez avec nous les sommes énormes du trésor.

— Vraiment, mon père ! Mais ceci est une chose vieille et connue, dis-je alors en souriant, car je voulais m’amuser aux dépens du moine et de sa confidence ; il y a longtemps que j’ai entendu parler du trésor enfoui dans la caverne d’Arcueil. C’est s’y prendre un peu tard, l’oiseau est déniché.

— L’oiseau est déniché ! Non, certes ; vous êtes mal informé, mon jeune ami ; et avec l’assistance du diable, croyez-le bien, nous trouverons dans le nid toute la couvée.

— Avec l’assistance du diable ! Je ne vois pas trop, à vous parler franchement, mon père, comment et pourquoi Satan se mettrait en possession de ce trésor, et encore moins comment, après s’en être rendu le maître, il serait assez bête pour le livrer au commandement d’un prestolet ou d’un jongleur.

— Venez avec nous seulement, cher comte, me répondit de nouveau et sans s’émouvoir le prieur, car notre moine, qui, au mépris de la robe et de l’épée, avait épousé le froc pour s’épurer sur la terre dans les afflictions, possédait en Normandie un riche prieuré. Venez seulement avec nous ; soyez ferme et résolu, et demain vous ne révoquerez plus en doute la réalité des puissances occultes.

— Mais quel est le prêtre, le sorcier ou l’exorciste ? demandai-je alors au saint adepte, plutôt pour me jouer de sa crédulité que par un véritable intérêt.

— C’est moi, le prêtre exorciste, moi, cher comte, votre très humble serviteur et père en Dieu. Quant au magicien, il vous sur-