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chapeaux, agissant en tout avec la même indépendance d’action. Dans les relations intimes qu’elles peuvent avoir, soit légères, soit sérieuses, les Liméniennes gardent toujours de la dignité, quoique leur conduite, à cet égard, soit certes bien différente de la nôtre. Ainsi que toutes les femmes, elles mesurent la force de l’amour qu’elles inspirent à l’étendue des sacrifices qu’on leur fait ; mais comme, depuis sa découverte, leur pays n’a attiré les Européens à une aussi grande distance de chez eux que par l’or qu’il recèle ; que l’or seul, à l’exclusion des talents ou de la vertu, y a toujours été l’objet unique de la considération et le mobile de toutes les actions ; que seul il a mené à tout, les talents et la vertu à rien, les Liméniennes, conséquentes dans leur façon d’agir à l’ordre d’idées qui découle de cet état de choses, ne voient de preuves d’amour que dans les masses d’or qui leur sont offertes ; c’est à la valeur de l’offrande qu’elles jugent de la sincérité de l’amant ; et leur vanité est plus ou moins satisfaite, selon les sommes plus ou moins grandes ou le prix des objets qu’elles reçoivent. Lorsqu’on veut donner une idée du violent amour que M. tel avait pour Mme telle, on n’use jamais que de cette phraséologie : « Il lui donnait de l’or à plein sac ; il lui achetait, à prix énormes, tout ce qu’il trouvait de plus précieux ; il s’est ruiné entièrement pour elle. » C’est comme si nous disions : « Il s’est tué pour elle ! » Aussi la femme riche prend-elle toujours l’argent de son amant, quitte à le donner à ses négresses si elle ne peut le dépenser ; pour elle, c’est une preuve d’amour, la seule qui puisse la convaincre qu’elle est aimée. La vanité des voyageurs leur a fait déguiser la vérité, et, lorsqu’ils nous ont parlé des femmes de Lima et des bonnes fortunes qu’ils ont eues avec elles, ils ne se sont pas vantés qu’elles leur avaient coûté leur petit trésors, et jusqu’au souvenir donné par une tendre amie à l’heure du départ. Ces mœurs sont bien étranges, mais elles sont vraies. J’ai vu plusieurs dames de la bonne société porter des bagues, des chaînes et des montres que des hommes leur avaient données.

Les dames de Lima s’occupent peu de leur ménage ; mais, comme elles sont très actives, le peu de temps qu’elles y consacrent suffit pour le tenir en ordre. Elles ont un penchant décidé pour la politique et l’intrigue ; ce sont elles qui s’occupent de placer leurs maris, leur fils et tous les hommes qui les intéressent. Pour parvenir à leur but, il n’y a pas d’obstacles ou de dégoûts qu’elles ne sachent surmonter. Les hommes ne se mêlent pas de ces sortes d’affaires, et ils font bien ; ils ne s’en tireraient pas avec la même habileté. Elles aiment beaucoup le plaisir et les fêtes, recherchent les réunions, y jouent gros jeu, fument le cigare, et montent à cheval, non à l’anglaise, mais avec un large pantalon comme les hommes. Elles ont une passion pour les bains de mer et nagent très bien.