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plus qu’à l’humidité de son haleine. Les femmes de la bonne société portent leur saya en satin noir, les élégantes en ont aussi en couleurs de fantaisie, telles que violet, marron, vert, gros-bleu, rayées, mais jamais en couleurs claires, par la raison que les filles publiques les ont adoptées de préférence. Le menton est toujours noir, enveloppant le buste en entier ; il ne laisse apercevoir qu’un œil. Les Liméniennes portent toujours un petit corsage dont on ne voit que les manches ; ces manches, courtes ou longues, sont en riches étoffes : en velours, en satin de couleur, ou en tulle ; mais la plupart des femmes vont bras nus en toutes saisons. La chaussure des Liméniennes est d’une élégance attrayante : ce sont de jolis souliers recouverts en satin de toutes couleurs, ornés de broderies ; ce sont des bas de soie à jour en diverses couleurs, dont les coins sont brodés avec la plus grande richesse. Partout la chaussure des femmes espagnoles est d’une élégance remarquable, mais il y a tant de coquetterie dans celle des Liméniennes, qu’elles semblent exceller dans cette partie de leur ajustement. Les femmes de Lima portent leurs cheveux séparés de chaque côté de la tête, tombant en deux tresses parfaitement faites et terminées par un gros nœud de rubans. Cette mode, cependant, n’est pas exclusive : il y a des femmes qui portent leurs cheveux bouclés à la Ninon, descendant en longs flocons de boucles sur le sein, que, selon l’usage du pays, elles laissent presque toujours nu. Depuis quelques années, la mode de porter de grands châles de crêpe de Chine, richement brodés en couleurs, s’est introduite. L’adoption de ce châle a rendu leur costume plus décent, en voilant dans son ampleur les formes un peu trop fortement dessinées. Une des recherches de leur luxe est encore d’avoir un très beau mouchoir de batiste brodé, garni de dentelles. Ainsi vêtue, la Liménienne est charmante. Rien de gracieux comme ses mouvemens d’épaules, lorsqu’elle attire le menton pour se cacher entièrement la figure, qui, par instans, se montre à la dérobée.

Une Liménienne en saya, ou vêtue d’une jolie robe venant de Paris, ce n’est plus la même femme ; on cherche vainement, sous le costume parisien, la femme séduisante qu’on a rencontrée le matin dans l’église de Sainte-Marie. Aussi à Lima, tous les étrangers vont-ils à l’église pour admirer sous leur costume national ces femmes d’une nature à part. Tout en elles est, en effet, plein de séduction : la démarche, les poses, lorsqu’elles se mettent à genoux pour prier, penchant la tête avec malice, et laissant voir leurs jolis bras couverts de bracelets, leurs petites mains dont les doigts resplendissans de bagues, courent sur un gros rosaire avec une agilité voluptueuse, tandis que leurs regards furtifs portent l’ivresse dans tous les cœurs.