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et de Julia devient le gage de réconciliation des deux ministres rivaux. Il ne faut pas oublier que Lorenzo, avant l’horrible événement qui l’a poussé dans le parti des rarbonari, et dans son amour pour Julia, était fiancé à Paquita, une belle bourgeoise napolitaine. Il faut dire aussi que Paquila est la sœur du carbonaro Batisto, qui a fait admettre le jeune avocat dans la vente suprême, et qu’elle connaît ainsi le secret de l’amant qui l’abandonne ; un secret avec lequel elle peut le tuer.

Le second volume, particulièrement, fourmille de scènes d’une vigueur peu commune et d’une heureuse nouveauté. Ce qu’il faut louer aussi dans ce livre, c’est la suite rigoureuse des caractères. Chiaramonte, ministre souple et intrigant ; Cristinacci, ministre fier et inflexible ; Ferdinand, roi sans volonté, entre deux volontés qui le dominent tour à tour ; Julia, amour pur et dévoué ; Paquita, amour désordonné et personnel ; Batisto, ami sans retour de Lorenzo ; tous ces personnages ne dévient jamais d’eux-mêmes dans les nombreux évènemens qui se croisent autour d’eux.

Assurément voilà de précieuses qualités, et nous les reconnaissons avec plaisir dans le livre de M. Guy d’Agde.

Mais ce qu’il faut lui dire parce qu’il faut être juste, c’est qu’avec une forte puissance de création et de suite dans les idées, ils ne produit pas toujours l’effet auquel il eût dû arriver, nous le lui dirons d’autant plus sévèrement que ce qui lui manque lient à des procédés de métier qui s’apprennent et qu’il apprendra. En général le style est d’une uniformité d’autant plus fâcheuse que cette uniformité, c’est la tension et par conséquent la fatigue. Trop souvent aussi les plus belles scènes manquent des préparations qui les mettraient en relief ; les événements se suivent et ne s’enchaînent pas. D’autres fois l’expression est au-dessous du sentiment qu’elle exprime ; d’autres fois elle va au-delà. Il faut que M. Guy sache que c’est là un de ces défauts qui font quelquefois condamner un livre sans rémission. On le lui a déjà dit et nous le lui répétons, il faut être artiste pour pénétrer dans l’excellence de certaines qualités. Ainsi M. Delacroix, ce grand peintre, voit abandonner ses magnifiques compositions pour les mignardes figures de M. Dubuffe, parce que la masse recule devant la fougue outrée du pinceau de l’artiste en certains endroits et son incorrection en d’autres parties.

Quant à nous, nous pensons avoir été justes ; si les critiques nous trouvent indulgens, et si M. Guy d’Agde nous trouve sévère, le public jugera entre nous, et déjà le public a pu juger, car Julia obtient un succès qui, malgré nos reproches, doit encourager son auteur. F. S.