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lèvres de corail. Il n’y avait pas de fleur dans les serres de Chelsea qui eût le parfum plus doux que son haleine ! Son sein, admirablement formé, soulevait avec une voluptueuse cadence le taffetas gris de sa robe décolletée. Ses épaules, oh ! ses épaules rondes, toujours à l’air, hiver comme été, étaient si blanches qu’on les eût dites couvertes d’une neige éternelle. Son œil noir lançait de rapides éclairs à travers ses lonf>s cils. Sa taille élégante et souple était plus fine que celle d’une guêpe ; son pied, qui eut paru fort honnête sur le continent, était une miniature en Angleterre. Chacun de ses gestes ravissait ; chacun de ses mouvemens était une grâce. Puis son esprit était vif et orné. On ne savait qu’admirer le plus de ses fines saillies, de ses promptes et heureuses reparties, ou bien de son jugement parfait, de sa charmante modestie et de l’exquise bonté de son ame. Au résumé. Maria était d’autant de milliers de piques au-dessus des Sophias, des Glarissas, des Emilias, des Stellas, des Narcissas et des Sacharissas, qu’Eclipse fut jamais au-dessus de Rossinante.

Mais hélas ! il n’est rien au monde qui soit sans défaut. La perfection n’est qu’un mot. — Au milieu de cette adorable visage de Maria, se dressait un nez que les mauvaises fées avaient pris plaisir à élever. Dieu de miséricorde ! c’était un nez qui surpassait en grandeur ce nez immortel décrit par Slawkenbergint. Et quant à sa couleur, puissances du ciel, une ravaudeusc irlandaise, qui boit régulièrement par jour ses six pintes de whisky, n’a eu de sa vie un nez de cette couleur !

Cependant notre héroïne n’était point de ces filles glorieuses qui ne voient en elles-mêmes que leurs mérites et sont aveugles quand elles regardent leurs imperfections. Ceites, elle possédait assez de qualités du corps et du cœur, pour en être vaine. La fierté à certains égaixls lui eût été fci’t légitimen)ent permise. Mais cette précieuse enfant avait fait les pas essentiels vers la suprême sagesse. — Elle se connaissait et se l’endait justice. Elle comprenait qu’elle avait un gros nez rouge ; elle le savait et elle était humble ! Ah ! que le créateur n’a-t-il doué de nez rouges toutes les beautés de l’univers !

Avec tant d’inappréciables avantages, Maria descendait mélaii-