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antique, devait se trouver aboli par l’excès même d’un si déplorable abus. Quand on vendait les hommes trois drachmes la pièce, ainsi que Plutarque le rapporte, il était impossible que cet état de choses durât long-temps ; Rome, à l’apogée de sa puissance, n’avait été qu’un phénomène peu regrettable. Habitans d’un camp, sous forme de ville, ces guerriers, qui composaient un grand bataillon destiné à l’asservissement du monde, n’avaient inventé qu’une aristocratie de soldats. Rome républicaine a peu de droits à la reconnaissance des hommes ; et cette Rome impériale, dont les vices seuls, sont gigantesques, n’est-elle pas l’effroi de l’histoire ? C’est Messaline couronnée.

Que l’on admire les vertus de Rome, mais que l’on sache juger ses crimes. Les tyrans du globe vivaient par le travail des esclaves ; la richesse du Capitole était alimentée par l’univers appauvri. En dépit de ces chefs-d’œuvre d’imagination et de goût que Rome et la Grèce nous ont légués, la civilisation était peu avancée encore. On avait trop de mépris pour les arts utiles. La science se composait d’erreurs poétiques, et la morale d’exagérations sublimes ; l’égalité des devoirs et des droits entre les membres de la famille humaine était ignorée. Au milieu des jouissances du luxe et des recherches de la volupté, le bien-être manquait à la vie. Quand la civilisation ancienne eut porté ses fruits, et que, fatiguée par ses efforts et ses fautes, elle tomba de lassitude, les barbares vinrent briser le moule de ces institutions vieillies : le monde changea de face.

C’est cette période de convulsion et de régénération qui, sous le nom de moyen-âge, a été en butte à des accusations si légères. Orage fertile, tempête nécessaire, qui bouleversa tous les élémens sociaux, pour les classer et les animer d’une vie nouvelle. Vous diriez la fournaise ardente, où tout se trouve en fusion. C’est là que se prépare la société moderne. On crée, on essaie, on invente ; les futiles occupations des rhéteurs sont étouffées par l’urgence d’une telle époque. Toutes les découvertes auxquelles nous devons notre supériorité incontestable datent de ces dix siècles, taxés de barbarie et d’ignorance. Une vigueur extraordinaire s’empare de tous