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LA REVUE DE PARIS

Anglais y ont contribué pour une part plus large encore, et que la doctrine de Locke n’avait pas été sans influence sur l’idéologie française. Mais Locke n’avait-il pas été influencé lui-même par Descartes ? Anticipant sur ce que nous aurons à dire du xixe siècle, nous pouvons dès maintenant faire remarquer que l’œuvre psychologique de Taine, son analyse de l’intelligence, dérive en partie de l’idéologie du xviiie siècle, plus spécialement de Condillac.

Nous n’avons pas à parler ici de la philosophie sociale. Tout le monde sait comment s’élaborèrent en France, au cours du xviiie siècle, les principes de la science politique en général, et plus particulièrement les idées qui devaient amener une transformation de la société. À Montesquieu[1], à Turgot[2], à Condorcet[3], est dû l’approfondissement des concepts de loi, de gouvernement, de progrès, etc., comme aux encyclopédistes en général (d’Alembert[4], Diderot[5], La Mettrie[6], Helvetius[7], d’Holbach[8]) le mouvement qui aboutit à « rationaliser » l’humanité et à la tourner aussi du côté des arts mécaniques.

Mais la plus puissante des influences qui se soient exercées sur l’esprit humain depuis Descartes, — de quelque manière d’ailleurs qu’on la juge, — est incontestablement celle de Jean-Jacques Rousseau[9]. La réforme qu’il opéra dans le domaine de la pensée pratique fut aussi radicale que l’avait été celle de Descartes dans le domaine de la spéculation pure. Lui aussi remit tout en question ; il voulut remodeler la société, la morale, l’éducation, la vie entière de l’homme sur des principes « naturels ». Ceux mêmes qui ne se sont pas ralliés

  1. 1689-1755.
  2. 1727-1781.
  3. 1713-1791.
  4. 1717-1783.
  5. 1713-1784.
  6. 1709-1751.
  7. 1715-1771.
  8. 1723-1789.
  9. Né à Genève, d’une famille d’origine française, en 1712. Mort en 1778.