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s’y rapporter de telle sorte que chacune possédait une certaine portion de ces arcanes qui constituaient ses moyens d’expansion et de défense. Ces forces pouvaient s’affaiblir, s’amoindrir et disparaître, ce qui amenait l’envahissement de certaines races par d’autres, nulles ne pouvant être victorieuses ou vaincues que par l’Esprit.

Toutefois, me disais-je, il est sûr que ces sciences sont mélangées d’erreurs humaines. L’alphabet magique, l’hiéroglyphe mystérieux ne nous arrivent qu’incomplets et faussés soit par le temps, soit par ceux-là mêmes qui ont intérêt à notre ignorance ; retrouvons la lettre perdue ou le signe effacé, recomposons la gamme dissonante, et nous prendrons force dans le monde des esprits.

C’est ainsi que je croyais percevoir les rapports du monde réel avec le monde des esprits. La terre, ses habitants et leur histoire étaient le théâtre où venaient s’accomplir les actions physiques qui préparaient l’existence et la situation des êtres immortels attachés à sa destinée. Sans agiter le mystère impénétrable de l’éternité des mondes, ma pensée remonta à l’époque où le soleil, pareil à la plante qui le représente, qui de sa tête inclinée suit la révolution de sa marche céleste, semait sur la terre les germes féconds des plantes et des animaux. Ce n’était autre chose que le feu même, qui, étant un composé d’âmes, formulait instinctivement la demeure commune. L’Esprit de l’Être-Dieu, reproduit et pour ainsi dire reflété sur la terre, devenait le type commun des âmes humaines, dont chacune, par suite, était à la fois homme et Dieu. Tels furent les Éloïm.


Quand on se sent malheureux, on songe au malheur des autres. J’avais mis quelque négligence à visiter un de mes amis les plus chers, qu’on m’avait dit malade. En me rendant à la maison où il était traité, je me reprochais vivement cette faute. Je fus encore plus désolé lorsque mon ami me raconta qu’il avait été la veille au plus mal. J’entrai dans une chambre d’hospice, blanchie à la chaux. Le soleil découpait des angles joyeux sur les murs et se jouait sur un vase de fleurs qu’une religieuse venait de poser sur la table du malade. C’était presque la cellule d’un anachorète italien. — Sa figure amaigrie, son teint semblable à l’ivoire jauni, relevé par la couleur noire de sa barbe et de ses cheveux, ses yeux illuminés d’un reste de fièvre, peut-être aussi l’arrangement d’un manteau à capuchon, jeté sur ses épaules, en faisaient pour moi un être à moitié différent de celui que j’avais connu. Ce n’était plus le joyeux compagnon de mes travaux et de mes plaisirs ; il y avait en lui un apôtre. Il me raconta comment il s’était vu, au plus fort des