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formes bizarres et devenaient hommes et femmes ; d’autres revêtaient, dans leurs transformations, la figure des bêtes sauvages, des poissons et des oiseaux.

Qui donc avait fait ce miracle ? Une déesse rayonnante guidait, dans ces nouveaux avatars, l’évolution rapide des humains. Il s’établit alors une distinction de races qui, partant de l’ordre des oiseaux, comprenait aussi les bêtes, les poissons et les reptiles : c’étaient les Dives, les Péris, les Ondins et les Salamandres ; chaque fois qu’un de ces êtres mourait, il renaissait aussitôt sous une forme plus belle et chantait la gloire des dieux. — Cependant, l’un des Éloïm eut la pensée de créer une cinquième race, composée des éléments de la terre, et qu’on appela les Afrites. — Ce fut le signal d’une révolution complète parmi les Esprits qui ne voulurent pas reconnaître les nouveaux possesseurs du monde. Je ne sais combien de mille ans durèrent ces combats qui ensanglantèrent le globe. Trois des Éloïm avec les Esprits de leurs races furent enfin relégués au midi de la terre, où ils fondèrent de vastes royaumes. Ils avaient emporté les secrets de la divine cabale qui lie les mondes, et prenaient leur force dans l’adoration de certains astres auxquels ils correspondent toujours. Ces nécromants, bannis aux confins de la terre, s’étaient entendus pour se transmettre la puissance. Entouré de femmes et d’esclaves, chacun de leurs souverains s’était assuré de pouvoir renaître sous la forme d’un de ses enfants. Leur vie était de mille ans. De puissants cabalistes les enfermaient, à l’approche de leur mort, dans des sépulcres bien gardés où ils les nourrissaient d’élixirs et de substances conservatrices. Longtemps encore ils gardaient les apparences de la vie, puis, semblables à la chrysalide qui file son cocon, ils s’endormaient quarante jours pour renaître sous la forme d’un jeune enfant qu’on appelait plus tard à l’empire.

Cependant les forces vivifiantes de la terre s’épuisaient à nourrir ces familles, dont le sang toujours le même inondait des rejetons nouveaux. Dans de vastes souterrains, creusés sous les hypogées et sous les pyramides, ils avaient accumulé tous les trésors des races passées et certains talismans qui les protégeaient contre la colère des dieux.

C’est dans le centre de l’Afrique, au-delà des montagnes de la Lune et de l’antique Éthiopie, qu’avaient lieu ces étranges mystères : longtemps j’y avais gémi dans la captivité ainsi qu’une partie de la race humaine. Les bocages que j’avais vus si verts ne portaient plus que de pâles fleurs et des feuillages flétris ; un soleil implacable dévorait ces contrées, et les faibles enfants de ces éternelles dynasties semblaient accablés du poids de la vie. Cette grandeur imposante et monotone, réglée par l’étiquette et les cérémonies hiératiques, pesait à tous sans que personne osât s’y soustraire. Les vieillards languissaient sous le poids de