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dages dans les abîmes océaniques, d’étranges phénomènes. La nature littéraire, comme la nature organisée, conserve volontiers les échantillons de ses types déclassés : sa voie marchante se double de voies de garage. Nommons au moins entre ces monstres le plus volumineux, le dinosaure : la cacographie de l’Épopée humaine, par Strada (Clarens), faite d’un million de vers en cinquante poèmes épiques qui commencent à la nébuleuse, quam Graeci dixere Chaos, et ne sont pas encore finis avec la Révolution française.

Le XIXe siècle aura été, du triple point de vue de la quantité, de la qualité, et des problèmes posés, le plus épique des siècles français. L’épopée y a vécu, y a poussé, en liaison avec l’histoire et la philosophie de l’histoire d’une part, la peinture historique d’autre part. De Chateaubriand aux Parnassiens en passant par les romantiques, elle a fait sa partie dans une vaste entreprise de résurrection, d’évocation ; cette suite démesurée, cette ambition de monuments, de frontons, de sphinx, s’achève curieusement dans les bijoux de vitrine de José-Maria de Heredia, dernier état de la résurrection et de l’évocation poétiques.

Il y a une guerre des genres, et principalement la vieille guerre civile de la littérature, celle de la poésie et de la prose. L’épopée, comme un héros malheureux d’Homère, a succombé dans ce combat. Elle a été tuée, ou, si l’on veut, conduite en esclavage par le roman. Et même sous cette figure et dans ce rôle servile, elle n’a pas tardé à s’éteindre. Il y a eu un âge héroïque du naturalisme qu’on pourrait appeler l’âge épique, avec Flaubert et Zola. On en verrait quelque survivance dans J.-H. Rosny, si l’épique n’était par ailleurs lié étroitement à l’oratoire, s’il pouvait y avoir des succédanés de l’épopée sans recours à l’éloquence.

la poésie dramatique

On vit, peu après 1870, mourir sur la scène une des victimes du romantisme : le vers dramatique de la comédie bourgeoise. Depuis que Corneille avait fondé la comédie française et créé le vers comique français, la poésie, pendant plus de deux