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çais se sont habitués à considérer le sport comme l’expression d’un besoin naturel à l’homme, besoin dont l’incurie ou l’inattention des générations précédentes avaient omis d’assurer la satisfaction et auquel il suffit d’avoir rendu la liberté de s’affirmer pour que la permanence en soit définitivement acquise. Rien n’est moins exact. Le culte de l’effort musculaire intensif ne se développe pas à lui tout seul, simplement parce qu’on s’abstient de le contrarier. Les guerres napoléoniennes suivies de l’échec à Paris de la fameuse tentative d’Amoros ont prouvé qu’il n’était même pas en rapport de cause à effet avec la mentalité et les tendances belliqueuses d’une nation. Soixante-dix ans plus tard, en 1887, la France n’était guère mieux disposée à recevoir une impulsion dans le sens sportif. Pour l’engager dans une telle voie, il fallut l’y pousser par une propagande organisée et persévérante. Bien lui en a pris du reste de s’être laissée convaincre. Pendant la récente guerre l’esprit sportif ne vint pas seulement au secours de nos combattants sur le front ; il aida l’arrière à tenir. Les autres nations, attentives au conflit comme participantes ou spectatrices, notèrent aussitôt le fait. Aujourd’hui la sportivité nationale se voit partout encouragée ; l’Allemagne de son côté y apporte un soin et un zèle spéciaux comme s’il y avait là pour elle une pierre d’attente de la revanche dont elle caresse l’espoir. Pendant ce temps, on dirait parfois que la France est en recul. Qu’y fait-on ? Du bruit, beaucoup de bruit, mais une besogne insuffisante. L’aventure de Carpentier se reproduit en raccourcis à tout moment. Parmi ceux qui l’exaltèrent et puis le huèrent avec une frénésie également pitoyable, combien n’avaient jamais touché un gant de boxe ! Ainsi en est-il également pour les autres sports, j’entends ceux qui jouissent de la vogue. Ce ne sont pas nécessairement les meilleurs. Lorsque la satiété de tels spectacles en détournera la foule, que restera-t-il ? Que les stades se vident, tant pis si l’arène en demeure fréquentée. Mais il y a cent à parier qu’elle sera délaissée, elle aussi. On dirait que le sport français ressemble à certaines plantes dont les racines courent à fleur de sol sans y pénétrer et s’y ancrer solidement. Ne serait-ce pas que, depuis la guerre, il se compromet par ses fréquentations ? Au lieu de se lier