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entreprise dont le maréchal Lyautey me disait, dans une lettre écrite au lendemain de l’armistice, qu’après tout « elle avait été à la base de la victoire »… les patrons d’abord : le président Carnot et son frère, Duruy, Jules Ferry, A. Ribot, Brouardel, Lagrange, le général Thomassin, le général Lewal — les sportifs : G. de Saint-Clair, Léon de Janzé, L. P. Reichel, Heywood, Marcadet, Paul Champ, A. de Pallissaux, Dedet, Christmann, Caillat, Paul Blanchet… — les pédagogues : A. Godart, Braennig, le P. Didon, G. Morel, Morlet, Fringnet, G. Sevrette… Mais les hommes passent. Au-dessus d’eux se tiennent les idées, ces « idées-forces » comme disait Fouillée, dont la pesée agit pour le bien ou pour le mal, accélère ou retarde, ouvre des routes ou en ferme. Nous avons souvent rencontré, parmi ceux qui prétendaient nous aider, des adversaires déguisés : arrivistes, jaloux, brouillons, exaltés… toutefois le pire de tous a été une idée, une formule plutôt, une de ces formules que leur inconsciente répétition finit par ériger en dogmes intangibles et irréfléchis.

Le mens sana in corpore sano revêt de séduisants aspects de bon sens, de logique et d’équilibre qui semblent en devoir faire le résumé des aspirations d’une sportivité raisonnable. En réalité, ces mots contiennent tous les éléments propres à neutraliser et à détruire l’action du sport sur les mœurs, l’entendement et le caractère. C’est qu’il y a là une simple recette d’hygiène basée, comme toute prescription à tendances hygiéniques, sur le culte de la mesure, de la modération, sur la pratique du juste milieu. Or le sport est une activité passionnelle susceptible de modifier l’individu et par là d’agir sur la collectivité pour autant seulement que ce caractère passionnel sera reconnu et respecté. Prétendre le priver de sa tendance à l’excès, c’est lui couper les ailes. Mais d’autre part les performances auxquelles il permet à ses fidèles d’aspirer — et à quelques-uns de parvenir — exercent une dangereuse emprise sur la foule, laquelle s’assemble bientôt à l’entour. Or la foule finit toujours par user et corrompre ce qu’elle avait commencé par simplement encourager. Telle est précisément la courbe qu’ont dessinée les deux grandes périodes sportives de l’histoire universelle, car il n’y en a eu que deux : la première dans l’antiquité avec le gymnase et