Page:Revue de Paris, 30e année, Tome 3, Mai-Juin 1923.djvu/691

Cette page a été validée par deux contributeurs.
689
une campagne de trente-cinq ans

en contact avec lui fut énorme. Il est de mode aujourd’hui de railler la philosophie de Jules Simon, parce qu’il n’édifia aucun système ; mais il était un vrai philosophe au sens classique du mot, car il enseignait la vie. Les lycéens le sentaient. Assemblés autour de lui à l’issue de leurs concours, ils buvaient ses paroles comme si elles fussent descendues de l’Olympe. Et lui leur prodiguait les élans de sa prestigieuse éloquence. Nul auditoire ne lui plaisait davantage. Un jour, je le trouvai en liesse parce que le secrétaire d’une des Associations sportives scolaires que nous cherchions à créer partout, lui avait écrit, en tant que président d’honneur de nos groupements : « Monsieur et cher Collègue… » — Comme il a raison, s’exclamait Jules Simon. C’est avec lui et ses camarades qu’est mon cœur. « Il n’est pas avec les vieux bonzes. »

D’autres discours notoires illustraient nos séances. Georges Picot, secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences morales était parmi les assidus et aussi J. Janssen. L’éminent historien et le célèbre astronome payaient de leur personne. Ne vit-on pas le premier arpenter les bois de Saint-Cloud pour y découvrir des terrains propices qu’on pût arracher à la rapacité maussade de l’Administration — et le second laisser là ses observations et ses calculs pour recevoir à goûter dans la coupole de Meudon les concurrents d’un cross-country interscolaire ?

Ainsi l’alliance idéale du sport et de la haute culture s’affirmait dès le premier moment. J’y veillais d’autant plus jalousement que déjà des surenchères s’étaient manifestées. Un publiciste empressé à dresser contre la nôtre une entreprise rivale ne venait-il pas de déclarer que la République se devait désormais de « rendre au muscle les honneurs souverains ». Les honneurs souverains ! la folie qui avait perdu Olympie et dévoyé l’athlétisme antique. À peine réincarné, celui-ci allait-il donc recevoir dans son nouveau berceau le redoutable présent d’une pareille évocation ?… Je touche là à ce qui a fait la grande difficulté et constitué le principal écueil de notre longue et laborieuse campagne. Et je voudrais m’en expliquer une bonne fois.

Sans doute il me serait doux de consacrer plutôt ces quelques pages à honorer la pléiade des fidèles collaborateurs d’une