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veau mode de suspension permettra bientôt aux chars de s’avancer rapidement sur les routes sans détériorer celles-ci.

Enfin, certains prétendent que le char doit non pas seulement accompagner, mais même remplacer l’infanterie. Ce serait en somme un fantassin marchant sous cuirasse, comme l’hoplite romain s’avançait sous son bouclier. Théorie fallacieuse. Car le char voit mal : il tomberait facilement dans tous les pièges qui lui sont tendus, si le fantassin ne l’éclairait. C’est un peu l’alliance de l’aveugle et du paralytique. De plus, capable d’écraser une résistance, il ne saurait occuper ni organiser une position. L’action du char et celle du fantassin se complètent, mais ne se confondent pas. Elles exigent une technique, une tactique, une mentalité toutes différentes.

Enfin l’infanterie, malgré toute sa bonne volonté, ne saurait suffire à la tâche d’assumer le perfectionnement du matériel. Il ne suffit pas de se sacrer « arme technique » pour le devenir. Le recrutement de ses cadres ne lui permettra jamais de posséder assez de spécialistes. Et même, y parviendrait-elle, qu’elle ne verra jamais dans le char qu’un organe d’accompagnement et c’est uniquement dans ce sens qu’elle voudra en orienter les progrès.

Or l’essor du char doit être bien plus vaste.

Aujourd’hui « vaincre » ce n’est plus « avancer », suivant l’ancienne définition. Vaincre, c’est rompre l’ennemi. Une simple avancée ne produit rien de décisif, quand elle ne constitue pas une victoire à la Pyrrhus. L’agresseur se trouve alors souvent dans une situation beaucoup plus difficile, et il y a lieu de remarquer qu’au cours de la dernière guerre, c’est après les plus grandes poussées en avant, qu’ont été subis les plus graves revers : première et deuxième bataille de la Marne pour les Allemands ; Tannenberg en 1914, le Dunajec et le San en 1915 pour les Russes ; le Roudnik en 1914 et la Piave en 1917 pour les Autrichiens ; Caporetto en 1917 pour les Italiens. Tant que la ligne ennemie ne sera pas percée et percée assez largement pour que la plaie ne puisse se refermer, il n’y aura rien de fait.

Eh bien ! le char sera l’arme de la rupture et de l’exploitation, en permettant non seulement aux fantassins d’aller