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chars et ceux de l’avenir qu’entre les premiers navires en fer et les dreadnoughts modernes. Wells, dans ses anticipations de guerre, prévoit des combats entre chars gigantesques, véritables cuirassés terrestres, égalant et même dépassant en dimension et en puissance les cuirassés marins ; car la force des moteurs n’y sera pas limitée par les nécessités de la flottabilité.

Mais, sans envisager cette perspective à échéance encore lointaine, il est hors de doute que nos petits Renault ne tarderont pas à être démodés et qu’étant donné le perfectionnement de la défense « antichar », il va falloir trouver des engins plus résistants et par conséquent plus puissants.

Nous allons assister à une évolution qui mérite d’être suivie avec attention et dirigée avec une grande compétence. À ce point de vue, la France a une avance sérieuse. Il ne faut pas qu’elle s’expose à la perdre.

Au début, quand parut l’engin nouveau, sous prétexte qu’il portait des canons, l’artillerie le revendiqua sous sa coupe. Puis, comme il était destiné à combattre presque côte à côte avec l’infanterie, celle-ci le réclama à son tour.

Entre ces deux compétitions on s’avisa d’une solution hybride : on confia à l’infanterie le personnel, c’est-à-dire le recrutement, l’instruction, la mobilisation et le commandement ; à l’artillerie, le matériel.

Cette dualité d’attributions ne semble guère faite pour aider au progrès, et on risque ainsi de compromettre le sort de la nouvelle arme, comme on a jadis compromis ou, en tout cas, singulièrement retardé celui de l’aviation en la rattachant d’abord au génie, puis à l’artillerie, jusqu’au jour où l’on se décida à la laisser voler de ses propres ailes sous une direction indépendante.

Actuellement, les inconvénients de la mesure bâtarde adoptée ne se font pas trop sentir, parce qu’on a mis les chars de combat sous l’autorité d’un inspecteur général dont la haute valeur s’impose à tous, le général Estienne. Mais il n’y a là qu’un palliatif provisoire, qui ne tardera pas à être inopérant : car le grand maître des chars va très prochainement être obligé de prendre sa retraite, sous l’implacable couperet de la limite d’âge, à moins qu’on ne se décide à