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tantôt athée, sectaire fanatique ensuite, athée encore, pour finir en croyant éprouvé ».

« Il est terrible de voir l’homme posséder le sens de l’impénétrable, l’homme ne sachant ce qu’il doit faire, et jouer avec un jouet qui est Dieu ! » s’écrie-t-il en 1838, dès l’âge de dix-sept ans, « S’ils savaient quelle effrayante négation de la personne de Dieu j’ai mise dans ma conception du Grand Inquisiteur » (des Frères Karamazov), écrit-il dans son carnet à l’adresse des libres penseurs », ses détracteurs.

Pourtant, affirme-t-il dans sa lettre à Maïkov, du 16 août 1867 : « Le Déisme nous a donné le Christ, c’est-à-dire une incarnation de l’esprit humain si haute, qu’on ne saurait la comprendre sans une pieuse vénération et il est impossible de ne pas croire que cet idéal de l’humanité ne soit fixé pour l’éternité ».

On perçoit le sens dans lequel Dostoïevsky affirme avoir reçu et gardé dans son cœur Tikhon Zadonsky, émanation du Christ, et comment son héros athée, qui voulait « détrôner Dieu », évolue, sous l’influence du Tikhon du roman, jusqu’à la foi en Dieu aussi absolue. Alors, il deviendra « le plus grand des hommes » parce que la foi lui inspire la volonté de vaincre, non le monde, mais soi-même, comme Tikhon a triomphé de lui-même. « Triomphe de toi et tu triompheras du monde. »

Le parallèle moral que nous avons cherché à établir entre l’auteur du plan et le héros est suffisamment révélateur du caractère autobiographique du roman. Le commentateur du « Centroarchive » pousse cette confrontation jusqu’à vouloir démontrer la similitude du milieu des jeunes années de Dostoïevsky avec celui où il projetait de situer son dernier roman. Il nous semble que cette démonstration est d’une importance bien secondaire. Mais, ne voulant rien négliger pour faire ressortir le haut intérêt du document, jetant une si vive clarté sur l’œuvre entière de Dostoïevsky, nous allons reproduire le passage le plus probant des explications de M. Brodsky.

« Tout le fond du roman, dans sa première partie, écrit-il, est saturé de vie authentique, de souvenirs personnels de l’auteur. « Le frère Micha » n’est-ce pas Mikhaïl Mikhaïlovitch, l’un des frères de l’écrivain ? Souchard est le professeur de langue française qui venait donner des leçons aux jeunes Dostoïevsky (ajoutons, pour notre part, qu’ils avaient fréquenté ensuite l’école de Souchard) ; Tchermak c’est Léonty Ivanovitch Tchermak, dans le pensionnat duquel Fedor Dostoïevsky a fait ses études de 1834 à 1837. Oumnov, l’un des camarades des frères Dostoïevsky et qui les fréquentait souvent, leur portait des livres à lire.

» La liste d’auteurs et les livres que connaissait le héros de La Vie d’un grand Pêcheur, nous transporte vers les années d’enfance et