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les idées occidentales, celles qui ont fait de nous ce que nous sommes et d’où est né jusqu’au mouvement actuel de réaction. »

Ces citations ne paraîtront pas faire longueurs quand on sera avisé qu’elles caractérisent un personnage du roman projeté, en tant que représentant autorisé des idées occidentales en Russie, et dont Dostoïevsky a fait choix précisément en raison de son antagonisme extrême envers les Slavophiles, alors que Dostoïevsky lui-même se rangeait parmi ces derniers. L’occasion était donc propice de définir la Slavophilie en citant un écrivain compétent.

Ajoutons, avant de reproduire l’extrait de la lettre de Dostoïevsky se rapportant à Tchaadaïev, que la publication de la première « lettre philosophique » dans la revue russe Le Télescope, valut au directeur de la revue le bannissement, tandis que l’auteur, grand seigneur et pourvu de hautes relations, fut déclaré fou et, durant de nombreux mois, visité quotidiennement par le médecin et la police.

Dostoïevsky écrivait donc à Maïkov :

« Je mettrai également au monastère Tchaadaïev (sous un autre nom, naturellement). Pourquoi Tchaadaïev ne serait-il pas relégué au monastère ? Supposez qu’après son premier article, pour lequel les médecins l’examinaient toutes les semaines (tous les jours, selon le témoignage de Tchaadaïev lui-même), il n’a pu se retenir de publier à l’étranger une brochure en langue française, par exemple ; et il se pourrait fort bien qu’il fût enfermé pour cela au monastère pendant un an. D’autres pourraient venir le visiter : Belinsky, notamment, Granovsky, Pouschkine même. (Puisqu’il ne s’agit pas de Tchaadaïev en personne, mais d’un type de mon roman.) Séjourneraient également au monastère Pavel Prousky, et Goloubov et le moine Parpheny. Je connais bien ce monde, de même que je connais la vie du monastère russe depuis mon enfance. »

Rappelons, pour en finir avec Tchaadaïev, que les noms cités comme ses visiteurs sont ceux d’autres « occidentalistes » fameux, particulièrement Belinsky, le grand critique que l’on connaît, et Granovsky, non moins célèbre publiciste libéral. Quant à Pouschkine, que Dostoïevsky jugeait être « très russe », il était grand ami de Tchaadaïev et en avait même subi l’influence dans sa jeunesse. Les autres noms sont