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leur culture à une source différente de celle de l’Occident : « Notre mauvais sort a voulu que nous empruntions les premières semences de la morale et de la culture intellectuelle à Byzance, alors qu’elle se trouvait dans sa période de décadence et de corruption » et qu’elle venait de se détacher de la confraternité universelle, autrement dit, s’était séparée de l’Église d’Occident.

» Malgré notre qualité de chrétiens, nous n’avons pas avancé d’un pas, tandis que la chrétienté occidentale marchait majestueusement dans la voie tracée par son divin fondateur… Cependant, c’est par le christianisme « que tout est créé : et la vie sociale, et la famille, et la patrie, et la science, et la poésie, et la raison, et les joies, et les peines. »


Mais c’est là l’œuvre du christianisme occidental, et non celle du christianisme issu de Byzance.

On conçoit l’indignation que durent soulever ces propos hérétiques parmi tous les orthodoxes-russes. Cependant, ce sont moins les tendances catholiques de l’auteur, — encore peu prononcées dans sa Lettre philosophique publiée en Russie, — qui émurent l’opinion publique que sa condamnation rigoureuse, et à la vérité fort exagérée, du passé et du présent de la Russie.

Tchaadaïev s’élève, en effet, contre les Slavophiles dans une autre lettre, disant : « Pierre le Grand n’a trouvé qu’une page blanche sur laquelle il a inscrit de sa main rude : Europe et Occident. » Et le grand homme fit une grande œuvre. Mais voici qu’une nouvelle école apparaît (les Slavophiles). L’Occident est rejeté, l’œuvre de Pierre le Grand est niée, on aspire au retour au désert… Dans leur zèle les nouveaux patriotes nous déclarent être les enfants préférés de l’Orient. Pourquoi aller chercher la lumière chez les peuples occidentaux ? demandent-ils. N’avons-nous pas chez nous tous les éléments d’un ordre social infiniment supérieur à celui de l’Europe ?… Est-ce l’Occident qui est le berceau de la science et de la sagesse profonde ? Chacun sait que c’est en Orient qu’elles sont nées. Retournons à cet Orient que nous touchons de partout, d’où nous sont venues jadis nos croyances, nos lois, nos vertus, bref, tout ce qui a fait de nous le plus puissant peuple de la terre… »

Et l’auteur conclut : « Vous saisissez maintenant l’origine de la tempête soulevée récemment contre moi et vous pouvez constater qu’une réaction véritable se produit en ce moment parmi nous, une réaction ardente contre l’instruction, contre