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RELATION
DE
MON VOYAGE EN POLOGNE


Un jeune Français de dix-sept ans s’avise, l’an 1663, d’accompagner son frère, le comte de Guiche, frappé de disgrâce, dans un voyage en Europe Centrale, ayant Varsovie et une entreprise militaire comme buts. Il note ce qu’il voit et ce qu’il fait, et la qualité de ces notations montre ce que pouvait être un esprit juvénile au xviie siècle. Antoine de Gramont appartenait certes à une des plus importantes familles du royaume[1], mais il n’est pas un spécimen unique à cette époque, si fertile en hommes et en femmes remarquables ; il ressemble à ses contemporains et montre par là l’ambiance extraordinaire qui leur échauffait l’esprit et le corps.

Le jeune homme fait de ses aventures un récit allègre et bien nourri. Les dangers courus tant sur mer que sur terre, sont fort importuns, il est vrai, mais ne suscitent aucune phraséologie tragique : quand la Tempête sévit sur la mer du Nord entre Lübeck et Dantzig, menaçant d’engloutir le vaisseau ballotté, les jeunes gens prient de grand cœur mais n’encombrent pas leur avenir incertain de vœux et de pèlerinages pour fléchir la colère du ciel ; et les quinze jours

  1. Antoine de Gramont, deuxième fils du maréchal de Gramont, était le frère cadet du comte de Guiche. Il fit toutes les campagnes de Louis XIV, et fut des premiers à contribuer à la reddition de la ville de Besançon, dont les portes s’ouvrirent au souffle des plumes des seigneurs. Il organisa la défense de Bayonne contre les Espagnols. Il en a écrit lui-même la relation dans les Mémoires du maréchal de Gramont, qu’il rédigea d’après les notes et la correspondance du vieux guerrier-diplomate quand celui-ci se retira dans ses terres.