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La croissance du pan-islamisme ne peut être passée sous silence quand on étudie les causes de l’agitation orientale. Les forces religieuses, que fit naître Mahomet, ont subi maintes transformations. Elles se sont finalement associées à la fortune temporelle des Turcs. La France, ayant un grand nombre de musulmans dans ses possessions d’Afrique, a su prêter à ce mouvement une attention plus sérieuse que nous ne l’avons fait. Elle s’est livrée à une étude attentive de ces aspirations et de leurs relations avec les questions mondiales. Nous avons dans l’Inde environ 70 millions de mahométans, en y comprenant les descendants de nombreux Hindous convertis de force par leurs conquérants musulmans ; mais les effets du pan-islamisme ne devinrent apparents dans l’Inde qu’au cours des dix dernières années. Comme je l’ai signalé, les sacrifices des puissances chrétiennes en 1854-55 n’eurent point d’action sur le sentiment musulman dans la Mutiny qui suivit ; pas plus que les pertes éprouvées par la Turquie, à la suite de la guerre russe en 1877-78, n’impressionnèrent les mahométans de l’Inde. La défaite des Grecs par les Turcs en 1897 fut sans doute bien accueillie des musulmans en tous lieux, mais sans plus ; tandis que, dans l’Inde, la guerre entre l’Italie et la Turquie fut mise à profit par quelques leaders mécontents pour accuser le gouvernement britannique de ne pas intervenir en faveur des Turcs. Quelques manifestations locales se produisirent lors de la guerre des Balkans de 1912-13. Une société, « Les serviteurs de la Kaaba » (le lieu saint de la Mecque), fut formée, et des souscriptions furent recueillies en faveur du Croissant-Rouge turc — souscriptions dont une grande partie n’arriva jamais à destination. À Calcutta, un grand meeting fut tenu, au cours duquel on proclama que la guerre était un conflit entre la Croix et le Croissant et où l’on demanda la sympathie des vrais fidèles de Mahomet. Lorsque, en 1914, les Turcs furent contraints par les Allemands d’entrer en guerre contre les puissances de l’Entente, le gouvernement de Constantinople proclama la Guerre Sainte par un bref, signé du Sheikh-ul-Islam, déclarant que tous les musulmans qui

    l’Inde des bombes et du boycottage. La séparation fut annulée en 1911 avec l’idée d’apaiser les agitateurs hindous.