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Au demeurant ni l’une ni l’autre de ces puissances ne songent à contester la prédominance des intérêts français, dans les travaux que le port de Tanger suscite. Cette prédominance confère des droits. Mais ces droits, si imprescriptibles qu’ils soient, doivent pouvoir se concilier, croyons-nous, avec les intérêts espagnols et britanniques. Ce n’est même que de cette conciliation que dépend le développement de Tanger.

L’heure est donc venue de mener à bonne fin cette négociation qui n’a que trop duré. On a lancé l’idée d’un arbitrage de la Société des Nations. Certes la thèse française n’aurait-elle rien à perdre en se soumettant au verdict du tribunal diplomatique international, mais l’on se demande vraiment si cette pompeuse procédure est nécessaire ? C’est en vain, en effet, que des agitateurs sans scrupules essayeraient d’élever entre l’Espagne et nous de nouvelles Pyrénées. Hâtons-nous de le dire : s’il y a des intransigeants en Espagne — hélas ! où n’y a-t-il pas d’intransigeants ? — d’éminentes personnalités politiques sont animées, comme nous le sommes nous-mêmes, du sincère désir de voir la question de la zone de Tanger se régler amiablement dans une atmosphère de parfaite cordialité. N’est-ce point M. Salvador Canals, ancien sous-secrétaire d’État à la présidence du Conseil et spécialiste des questions marocaines, qui a récemment écrit ces fortes paroles : « Entre l’Espagne et la France il doit exister sur la question du Maroc une intelligence pratique, effective, agissante et extrêmement cordiale. Nous avons à collaborer à une œuvre commune et, si une entente intime n’existe pas, nous nous nuisons mutuellement les uns aux autres. À mon avis, il est extrêmement facile de s’entendre, même sur la question de Tanger. »

On ne saurait mieux dire et ce langage, tenu par un membre influent du parti libéral conservateur en Espagne, la France s’en approprie les termes avec la même foi. Nous poursuivons, l’Espagne et nous, des fins identiques au Maroc ; notre œuvre est parallèle et similaire : œuvre de résurrection sociale et de développement économique, œuvre de paix s’il en fut.