— E pur si…
— Vous le croyez… et ce n’est pas faux… Mais il est impossible que ce soit déjà vrai… Ou alors, c’est un pauvre amour dont il faudrait avoir peur…
— Ne dites pas cela, — fit-il d’une voix suppliante. — Que savez-vous si un grand amour ne peut pas naître en peu de jours !
— Soit… Disons qu’il n’est pas vérifié… Je suis classique, j’ai le sens du temps — et je ne me fie qu’à ce qui a duré ! Il faut d’abord que je sache si l’amour qu’on m’offre sera une grande aventure, sinon à quoi bon ? Dans ce monde tragique, où nous recevons si peu de bonheur et si peu de beauté, que reste-t-il à la femme si l’amour n’est qu’un caprice ?
Elle pencha sa tête étincelante :
— Vous ne me déplaisez pas… Mais comment savoir si je vous aimerai ? Combien de fois vous verrai-je encore avant mon départ ? Une dizaine de fois peut-être, et combien de fois vous ai-je vu ? Nous sommes des étrangers. Est-il possible que nous cessions de l’être dans un si court intervalle ?…
— Si vous m’aimiez pourtant !
— Eh bien ! — dit-elle avec son petit rire ambigu, — je vous aimerais, et c’est tout. Vous ne croyez pas que je céderais au dernier moment, en coup de foudre… Ce serait le plus sûr moyen d’être oubliée…
— Je ne vous oublierais point.
— Et qu’en savez-vous ? Vous n’êtes pas encore à l’âge où l’homme se connaît ; et je ne sais si cet âge arrive pour un sur mille !… Ce que je sais, c’est que les perfides moralistes masculins ont menti, à travers les siècles, en chargeant la femme de cette infidélité qui est l’essence même de l’homme !
Elle s’était rapprochée ; elle posa ses petites mains sur les épaules de Philippe, et lui dardant son regard dans les prunelles :
— Mystère ! Mystère ! — chuchota-t-elle.
Il avait tressailli. D’un geste irrésistible, il s’empara de Thérèse, et l’attira contre sa poitrine. Elle résistait à peine ; la chevelure était là, si douce et si sauvage ; il y plongea farouchement les lèvres, et il sentait palpiter le corps délicieux de la jeune femme.