un havre. La terre friable céda ; il eut à peine le temps de la saisir et de l’enlever… Elle avait poussé un petit cri d’effroi ; elle demeura contre la poitrine de Givreuse.
Il ne s’attendait pas à cette sensation violente ; il devint pâle comme s’il allait se pâmer ; son cœur grondait ; et son visage s’ensevelit un moment dans la chevelure odorante.
— Merci ! — fit-elle d’une voix éteinte, en essayant de sourire.
Ce qu’il voyait dans les beaux yeux encore tremblants, le séparait de toutes choses. Il oubliait complètement Philippe.
Il s’en souvint lorsqu’elle fut partie ! Jusqu’à la nuit, il examina sa conscience. Elle était ardente et affligée ; des remords le harcelaient qui ne parvenaient pas à lui faire oublier la joie cruelle de l’étreinte :
« Qu’ai-je fait pourtant ? se dit-il. Mon geste était nécessaire. Suis-je maître de mes sensations ? »
Mais il avait prolongé ces sensations ! Il prit la résolution de parler à Philippe.
Ils s’étaient arrêtés dans ce ravin où coule une maigre rivière, qui se perd dans l’Océan. Des pierres lourdes s’élevaient, un champ d’ajoncs avait brûlé, laissant un vide noir et funèbre.
— Es-tu malheureux ? — demanda soudain Pierre.
— Je ne sais pas. Je vis… Ma vie n’est point laide. Elle m’adapte à la peine des hommes…
Ils foulaient les sauges, les achillées, les ombellifères, les mille pertuis perforés, et de petits batraciens sautelaient par intermittences.
Pierre éprouvait que sa confidence était difficile ; cette difficulté même lui montrait quels changements s’étaient produits : naguère encore, il parlait à Philippe comme il parlait à lui-même.
Il finit par dire :
— Ne désires-tu pas abréger ton épreuve ?
— Non ! non ! – fit vivement l’autre. — Je sais qu’elle est absolument fatale.
— Je suis privilégié.
— Il le faut.