Les derniers mots firent préjuger à Madeleine qu’elle était en présence de Pierre :
— Je ne demande pas à voir mademoiselle de Varsennes, — reprit-il, timide.
— Elle est très fatiguée.
— Il n’y a pas d’endroit au monde où elle peut être mieux en sûreté qu’ici… Je vais télégraphier à ma mère.
Une courte pause. Tous deux s’épiaient avec une curiosité ardente et anxieuse :
— Il m’est impossible de la laisser seule, — fit enfin Madeleine à voix basse… — Sinon, je serais allée voir madame de Givreuse.
— Ma mère peut-elle venir ?
— Si elle le peut !… Je crois que ce serait très utile…
Pierre hésita, puis :
— Mademoiselle de Varsennes n’est pas malade ?
— Non…
Il comprit qu’il ne pouvait insister ; il murmura :
— Quand préférez-vous recevoir la visite de ma mère ?
— Le plus tôt possible.
— Alors, je crois que vous la verrez ce matin même…
Madeleine avait attentivement scruté la physionomie de Pierre. Elle y avait vu passer toutes les nuances de l’émotion, mais aucun étonnement :
« Il sait donc ? se demanda-t-elle… Ou du moins il devine ? »
Il parut vouloir encore demander quelque chose, mais il n’osa point et se retira.
Madeleine demeurait songeuse. Elle comprenait maintenant les soupçons indéfinissables de Valentine.
Dix heures venaient de sonner à l’église de Saint-Saturnin, lorsque madame de Givreuse arriva chez mademoiselle Faubert. La visiteuse trahissait plus vivement son agitation que Pierre : son visage avait cet aspect dur que l’émotion donne aux visages autoritaires. Elle ressentait un peu de rancune contre Valentine : elle ne concevait pas que la jeune fille fût partie si mystérieusement, mais cette rancune se fondait dans une tendresse chagrine. Peut-être aussi était-elle vaguement