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et Philippe une différence dans le passé. L’un avait vécu auprès de moi avant la guerre, nos souvenirs se mêlèrent… Oh ! je le crois toujours, et comment pourrait-il en être autrement ?… Mais un sentiment plus fort que toute conviction raisonnée grandissait : c’est que, par je ne sais quel sortilège, les souvenirs de Philippe étaient les mêmes que ceux de Pierre… J’avais beau me révolter, ce sentiment ne cessait de grandir, il me semblait constamment en recevoir des preuves, par un mot, par un geste, par un des mille actes insignifiants de la vie. Étais-je folle ? Je me le demandais constamment…Hier, nous sommes allés tous trois avec madame de Givreuse, à la ferme de Jean Berleux… tu sais, cette ferme du vieux temps, tout au bout du village abandonné… Nous sommes restés seuls, Philippe et moi, pendant que madame de Givreuse et Pierre discutaient une affaire de réparations avec le fermier. J’avais gardé un souvenir très doux d’une heure passée dans la chambre où nous nous trouvions. C’était presque le même temps !… Tout à coup, comme l’autre fois, un oiseau s’est mis à chanter, et Philippe a récité quatre vers, les mêmes que Pierre avait récités devant la même fenêtre… J’ai été saisie d’une véritable épouvante… qui s’est aggravée la nuit…

Il y eut un silence. Madeleine subissait de plus en plus « l’atmosphère » de la jeune fille.

— Est-il possible, — chuchota celle-ci avec détresse, — que les souvenirs d’un homme se communiquent à un autre homme ?…

— La télépathie, – suggéra Madeleine… – D’ailleurs, chère petite enfant… pourquoi ces vers ne seraient-ils pas venus naturellement à la mémoire de Philippe ?

— Justement devant cette fenêtre ? Et dans des circonstances si semblables aux circonstances qui avaient amené Pierre à les réciter ? Ce serait prodigieux !

— Voulez-vous me redire ces vers ?

— Voici… je ne me rappelle pas exactement le troisième et le quatrième :

La branche au soleil se dore,
Et penche, pour l’abriter,
Ses bourgeons qui vont éclore
Vers l’oiseau qui va chanter