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Et elle demeurait ensemble consternée et ravie, s’efforçant de distinguer entre son fils et l’étranger. De fines dissemblances se décelaient à son regard aigu. La face de l’un semblait légèrement plus large que celle de l’autre ; le grain de leurs peaux n’apparaissait pas identique ; elle n’eût su dire lequel ressemblait davantage à Pierre.

— Mon fils ! — cria-t-elle, avec l’espoir sourd que cet appel ferait naître une émotion révélatrice.

Les deux visages exprimèrent le même trouble. Enfin, une voix voilée et hésitante répondit :

— Ma mère !

Déjà elle étreignait celui qui venait de répondre.

Mais elle surprit dans le regard de l’autre une tendresse tremblante qui la bouleversa :

— Soyez le bienvenu, — dit-elle, en lui tendant la main…

» On m’a dit que votre amitié est parfaite.

Elle soupira, elle ajouta involontairement :

— Et comme je le comprends !

Elle embrassa encore celui qui avait répondu à son cri… puis, mue par une impulsion irrésistible, elle mit ses deux mains sur les épaules de l’autre.

Tout de suite, elle les retira. Une foule de contradictions la tourmentait, où la contrainte se mêlait à la joie, où des soucis obscurs entravaient l’espérance.

On entendit un pas léger et, dans l’embrasure de la porte, parut une étincelante fille des hommes.

Elle s’avançait avec le rythme d’une pêcheuse des Cyclades, mais grande, un visage du Nord, les joues fines et fluides, les yeux variables comme les vagues, la chevelure en crinière, noire et moirée de cuivre.

En voyant les deux hommes, elle poussa un cri qui était presque une plainte.

Puis, elle s’immobilisa, les pupilles élargies, tandis qu’ils la contemplaient, tout pâles.

— Seras-tu plus clairvoyante que moi, Valentine ? — murmura madame de Givreuse… — Je n’ai pu reconnaître Pierre.

La jeune fille les observait, concentrant son attention et