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très frêles, oscillaient sous un nuage couleur de schiste. Les herbes expiraient ; des fleurs épuisées se penchaient sur leurs pédoncules ; trois brebis pelées broutaient misérablement ; un vieil âne levait sa tête, pareille à un manchon rongé des mites…

— Je vous prie de ne plus les interroger sur leurs origines, — fit enfin Formental, — et surtout de ne les inquiéter par aucune insinuation. Leur état nerveux est bon, mais je les crois très faibles…


IV


La santé des Givreuse se rétablit avec une rapidité surprenante. Ils n’avaient plus de fièvre, leurs blessures évoluaient favorablement et ils montraient un appétit dévorant, que Formental leur permettait de satisfaire.

Cependant, ils demeuraient fort maigres. Leurs joues étaient caves, leurs mains semblaient presque transparentes, la finesse de leurs paupières avait quelque chose de bizarre : on aurait dit des pétales d’églantine.

— Ils n’engraissent pas ! — remarqua un matin l’interne… — Si on les pesait ?

Formental y consentit. Charles amena sa balance américaine auprès du premier Givreuse.

— Quarante kilos cent dix grammes, — annonça-t-il… — C’est étonnant… J’aurais cru qu’il avait plutôt maigri.

Formental et Diane Montmaure se regardèrent. Ils étaient de l’avis de Charles :

— Alors, — balbutia le docteur… sa densité se serait accrue ?

— J’en suis sûre ! — répondit Diane.

Mais le blessé, après un instant de silence, demanda d’une voix émue :

— Quarante kilos !… Vous ne voulez pas dire que ce soit là mon poids ?

— Quarante kilos cent dix ou onze, oui, c’est exactement ça… Pas d’erreur…

— Voyons ! — fit l’autre avec une nuance d’excitation… —