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— Le livret marque un mètre soixante-quatorze… La moindre différence de position suffit à expliquer l’écart. Ils ont en définitive la même stature et le même poids… anormal. La logique du mystère, la logique de l’absurde, se confirme. Et ils continuent à dormir !

— C’est qu’ils n’ont pas encore quitté entièrement l’autre monde, — murmura Diane Montmaure.

Personne ne répondit. Même Louise de Bréhannes vivait dans une sorte de transe où la vie terrestre se perdait dans la vie astrale.


III


Vers le déclin du jour, Diane Montmaure s’était assise auprès du lit de Givreuse I. Une curiosité mystique la ramenait toujours là. Elle considérait avec ardeur le visage clair du blessé. Elle songeait aux ténèbres incommensurables qui enveloppent les astres et les êtres. Elle n’était plus étonnée. La vie la plus simple ne dépassait-elle pas infiniment la frêle imagination des hommes ?

Soudain, elle tressaillit jusqu’au fond des fibres : deux grands yeux couleur de jade la regardaient. Puis, une voix encore endormie bégaya :

— Je suis fils unique.

Elle demanda, éperdue :

— Pourquoi me dites-vous cela ?

— Parce qu’on me l’a demandé !

Les yeux fixèrent un moment le visage pâle de Diane, puis se détournèrent :

— Où est le major ? On m’a changé de salle ?…

Elle se pencha, elle répondit avec douceur :

— Vous n’êtes plus à l’ambulance…

— Alors, j’ai dormi ?

— Vous avez dormi.

— Longtemps ?

Elle hésita, mais il lui fut impossible de biaiser :

— Deux jours.

— Deux jours ! — fit-il, effaré. — C’est effrayant… Ah !