— Y a pas d’erreur, m’sieu le major. C’est sûr et certain quoi qu’y soye pas de ma compagnie. Mais je le connais bien… je m’ai trouvé avec lui.
— Mais il y avait un autre Givreuse dans la même compagnie ?
— Un autre ? — exclama le premier fantassin. — Ben ! il était invisible, alors. Je ne l’ai jamais vu !
— Ni moi !
— Vous n’avez jamais entendu parler d’un second Givreuse, qui ressemblait à celui-ci ?
— Non ! jamais.
Herbelle secoua mélancoliquement la tête, puis :
— Suivez-moi.
Il conduisit les hommes auprès du second Givreuse.
— Regardez !
Ils demeuraient béants :
— Ça me la coupe jusqu’aux cors aux pieds ! — grommela celui qui était de la même compagnie que Givreuse… C’est le même, quoi !… un besson…
— Un besson, — répéta l’autre.
Herbelle se taisait. Les deux soldats murmuraient par intervalles :
— Ah ! bien !…
Puis le premier déclara :
— C’est trop fort pour moi… mais peut-être bien qu’il est d’un autre régiment.
Herbelle les fit ramener à leur ambulance.
Quelque chose de redoutable venait de s’ajouter à l’univers, et le médecin demeura longtemps immobile, paralysé par le rêve, enveloppé d’une ombre étrange où passaient les lueurs de l’Abîme.
II
Ils étaient engourdis depuis soixante heures. On les avait transportés à Gavres, dans un hôpital où leur présence produisait une émotion étrange, qui, chez quelques femmes, confinait à l’épouvante.