Page:Revue de Paris, 23e année, Tome 6, Nov-Dec 1916.djvu/457

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les yeux du major exprimaient une sorte d’horreur sacrée. Penché sur le soldat, il grognait :

— C’est la même blessurela même

— Comme pour le crâne ! — soupira l’infirmière.

L’homme et la femme n’osaient pas se regarder. Le prodige planait. Il révoltait Herbelle ; il courbait la haute taille de l’infirmière :

— Nous rêvons ! — chuchota le médecin, et sa bouche marqua la révolte.

— Nous sommes dans une réalité supérieure ! — affirma la femme…


— S’ils s’éveillaient seulement, dit naïvement le major, — on pourrait savoir…

— Leurs livrets !

— Parbleu !

Trois minutes plus tard, Herbelle tenait deux livrets qui ressemblaient à tous les livrets militaires, et qui, toutefois, remplirent d’une sorte d’épouvante les cœurs de la femme et des deux hommes : ils étaient absolument identiques.

Chacun d’eux se rapportait à Édouard-Henri-Pierre de Givreuse, né à Avranches, le 17 mars 1889. Chacun d’eux notait une taille de 1 m. 74, et signalait le ne compagnie, du ne régiment d’infanterie…

— C’est le même livret ! — conclut Herbelle.

— Mais aucune autorité n’aurait consenti à délivrer deux livrets identiques à des individus différents ! — remarqua le jeune homme.

— À moins que cette autorité n’ait été trompée ! — riposta le major d’une voix où perçait je ne sais quelle amertume…

Il feuilletait fiévreusement, cherchant quelque différence, et il n’en trouvait point. Au rebours, une petite tache d’encre se retrouva pareille, dans les deux documents.

— Mais qu’est-ce que cela veut dire ? gémit Herbelle en saisissant ses tempes à pleins poings… — De quelle mystification surnaturelle sommes-nous donc victimes ?

— Vous admettez donc le surnaturel ? — fit l’infirmière.

— Eh ! non… je n’admets rien… je ne sais rien… je dois être hypnotisé…