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Et ainsi arriva-t-il que Fairy, griffon d’Écosse, partit pour la Russie dans un panier d’osier.


XXX


William Smith poussa la porte-fenêtre qui ouvrait sur le balcon, et le jardin à la française déroula au loin ses plates-bandes et ses massifs, où, parmi les fleurs, brillaient les statues et les bassins de marbre.

Le château aussi était de style français, datait de cette époque où le goût de France régnait sur le monde. Du côté de la cour d’honneur, une grille en demi-cercle aboutissait au portail, — œuvre achevée de cette ferronnerie qui eut sous Louis XV une si élégante floraison. — La façade principale donnait sur les parterres et les allées. Son entablement reposait sur des colonnes aux chapiteaux ioniques ; une balustrade à l’italienne la couronnait, ornée de groupes d’enfants et de trophées.

Devant cette demeure somptueuse et charmante, sorte de Trianon égaré en ces solitudes, on se prenait à songer à l’architecte venu de nos pays, cent cinquante ans auparavant, avec ses dessins et ses épures. Et l’on se demandait par quel sortilège il avait fait jaillir de ces terres sauvages cet aimable palais.

— Cela ressemble à Versailles, — dit Smith.

— Versailles ! — fit Louise.

Et ce nom, qu’elle répéta machinalement, lui donna tout à coup le sentiment prodigieux de la distance : telle une pierre tombant dans un abîme et dont le son ne remonte pas.

Versailles !… Elle revoyait le château, la petite chambre… Puis, très nettement, elle crut entendre ces mots dits par Lenoël : « On ne vit pas du passé. »

Sur les massifs et les marbres, le jour déclinant jetait des roses.

William Smith ajouta :

— Vous n’occuperez cet appartement que juste le temps de réparer celui de la comtesse. Le comte désire que vous l’habitiez afin que ne reste aucune trace de celle qui l’a déserté. Le château est plein de meubles anciens et très beaux. Un aïeul