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D’ailleurs, les contrariétés continuaient à s’acharner sur le malheureux officier.

À peine en mer, Sir Hovenden Walker s’apercevait d’une impardonnable distraction : le transport Mary avait été oublié à Catwater avec une partie du régiment du colonel Disney[1]. Par une nuit d’orage le mât de misaine du Monmouth était emporté comme une paille. La marche de l’escadre se voyait continuellement retardée par les transports qui marchaient comme des sabots ; par tous les temps, il fallait leur faire passer péniblement des câbles de remorque. Dans un cas pressé, était-il urgent de communiquer avec le. général Hill embarqué sur le Devonshire, celui-ci souffrait trop du mal de mer pour s’occuper de choses sérieuses[2].

L’indiscipline alla jusqu’à se mettre de la partie. Malgré la défense formelle de se séparer de la flotte et de courir sus aux voiles ennemies, un soir, près du banc de Terreneuve, le capitaine Buttler du Dunkirk et le capitaine Soannes de l’Edgar, deux officiers qui avaient pour consigne l’importante fonction de répéter les signaux de l’amiral aux vaisseaux de l’escadre, se couvrirent de toiles et appuyèrent vivement la chasse à un petit navire marchand qui louvoyait sur l’horizon. Alors il fallait sévir ; un conseil de guerre était réuni, et de ces deux vieux officiers qui auraient pu être si utiles en montrant l’exemple, l’un, le capitaine de l’Edgar — parce qu’il fut constaté que le secrétaire de l’amiral avait oublié de lui communiquer la consigne — se voyait réprimandé sévèrement et retrancher trois mois de solde, l’autre — celui du Dunkirk — était renvoyé du service.

Malgré ces déboires, le 25 juin, après cinquante-huit jours de mer, l’amiral Walker arrivait devant Boston, où l’attendaient des fêtes brillantes et de lamentables déceptions.

En mettant pied à terre, Sir Hovenden sembla devenir le lion de la Nouvelle-Angleterre. L’ouverture des cours de l’Université de Cambridge se faisait le 4 juillet, sous sa présidence. Le 5 et le 10 du même mois, il assistait au défilé des troupes d’infanterie de marine, passées en revue sur Noodles Island, par le général

  1. Vide Walker’s Journal, page 58.
  2. This blowing weather has so disordered me, that I cannot answer your letter of this day’s date with my own hand. — Letter of général Hill from aboard the Devonshire, May 8, 1711.