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duquel jaillissait une mèche de ses cheveux d’un blond de lin. Il était remarquablement joli et bien fait, large d’épaules et mince de hanches, avec des yeux d’un bleu d’acier, au regard vif et dégagé. Mais sous le bonnet de fourrure rond de Tonio, dans un visage brun, aux traits d’une finesse toute méridionale, s’ouvraient deux yeux sombres, délicatement ombragés, aux paupières trop lourdes, à l’expression rêveuse et un peu hésitante… Les contours de la bouche et du menton étaient d’une rare finesse. Sa démarche était indolente et irrégulière, tandis que les jambes sveltes de Hansen, dans leurs bas noirs, se mouvaient d’une façon remarquablement élastique et rythmée.

Tonio ne disait rien. Il souffrait. Tout en fronçant ses sourcils un peu obliques et en arrondissant ses lèvres pour siffler, il regardait au loin de côté, en penchant la tête. Cette attitude et cette expression lui étaient particulières.

Soudain Hans glissa son bras sous celui de Tonio tout en lui jetant un regard à la dérobée, car il comprenait très bien de quoi il retournait. Et Tonio, bien qu’il fît encore quelques pas sans parler, se sentit subitement des dispositions très tendres.

— À vrai dire, je n’avais pas oublié, Tonio, dit Hansen en baissant les yeux vers le trottoir devant lui, mais je pensais seulement qu’aujourd’hui cela ne marcherait pas, parce qu’il fait si humide et si vilain. Mais tout cela m’est bien égal, et je trouve très chic que tu m’aies tout de même attendu. Je croyais déjà que tu étais rentré à la maison et j’étais fâché…

Tout en Tonio se mit à bondir et à jubiler de joie à l’ouïe de ces paroles.

— Eh bien, allons maintenant sur les remparts, dit-il d’une voix émue, sur le rempart du Moulin et sur celui du Holstein, et je te ramènerai à la maison, Hans. Non, bien sûr, cela ne me fait rien du tout de m’en retourner seul ; la prochaine fois, c’est toi qui m’accompagneras.

Au fond il ne croyait pas très fermement aux explications de Hans, et il sentait très bien que celui-ci attachait moitié moins d’importance que lui à cette promenade