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TONIO KRÖGER


(Suite[1])


IV

— Je ne vous dérange pas ? demanda Tonio Kröger sur le seuil de l’atelier. Il tenait son chapeau à la main et s’inclinait même légèrement, quoique Lisaveta Iwanowna fût son amie à laquelle il disait tout.

— Je vous en supplie, Tonio Kröger, entrez sans cérémonie ! répondit-elle avec son accent chantant. L’on sait que vous avez joui d’une bonne éducation et que vous connaissez les usages. En parlant ainsi, elle plaçait son pinceau dans sa main gauche avec la palette, lui tendait la droite, et le regardait dans les yeux, en riant et en hochant la tête.

— Oui, mais vous êtes en train de travailler, dit-il. Laissez-moi voir… Oh ! vous avez avancé. Et il regardait alternativement les esquisses coloriées qui étaient appuyées à des chaises de chaque côté du chevalet, et la grande toile couverte d’un réseau de lignes carrées, sur laquelle, parmi l’ébauche au fusain confuse et vague, les premières taches de couleur commençaient à surgir.

  1. Voir notre numéro au juillet.