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— Chic ! dit Hans. On va me donner des guêtres de cuir, tu sais, parce que j’ai eu la meilleure note dernièrement en thème.

— Tu ne prends pas de leçons d’équitation, Kröger ? demanda Immerthal, et ses yeux n’étaient plus que deux fentes brillantes.

— Non, répondit Tonio d’une façon tout à fait indistincte.

— Tu devrais demander à ton père qu’il t’en fasse prendre aussi, Kröger, remarqua Hans Hansen.

— Oui, fit Tonio, à la fois avec précipitation et indifférence. Sa gorge se serra un instant, parce que Hans l’avait appelé par son nom de famille, et Hans parut le sentir, car il dit, en manière d’explication :

— Je t’appelle Kröger, parce que ton prénom est si baroque, tu sais ; excuse-moi, mais je ne l’aime pas du tout. Tonio… ce n’est pas un nom en somme. Du reste, tu n’y peux rien, bien sûr.

— Non, sans doute que tu t’appelles ainsi justement parce que cela a une allure étrangère et que c’est un peu singulier, dit Immerthal en se donnant l’air de parler pour arranger les choses.

Les lèvres de Tonio tremblèrent. Il se contint et dit :

— Oui, c’est un nom stupide, Dieu sait que j’aimerais mieux m’appeler Henri ou Guillaume, vous pouvez m’en croire ! Mais j’ai été appelé ainsi d’après un frère de ma mère qui s’appelle Antonio ; car ma mère n’est pas d’ici, comme vous le savez…

Puis il se tut et laissa les deux autres parler chevaux et harnachement. Hans avait passé son bras sous celui d’Immerthal et causait avec un intérêt et une animation qu’il eût été impossible d’éveiller en lui pour Don Carlos… De temps en temps, Tonio sentait l’envie de pleurer lui monter en picotant dans le nez ; et il avait de la peine à maîtriser son menton qui se mettait continuellement à trembler …

Hans n’aimait pas son nom, — qu’y faire ? Lui s’appelait Hans, et Immerthal s’appelait Erwin, bon, c’étaient là des noms universellement reconnus, qui n’étonnaient personne. Mais « Tonio » avait quelque chose d’étranger