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publiés dans ces vingt dernières années l’ont tirée de l’obscurité où elle s’était enfermée et ont fait connaître le détail de ses principales opérations, dont le but peu modeste était « d’entreprendre tout le bien possible et d’éloigner tout le mal possible, en tout temps, en tous lieux et à l’égard de toutes personnes ». On est d’accord aujourd’hui pour estimer que son rôle ne saurait être exagéré dans la floraison du travail catholique au milieu du XVIIe siècle[1]. C’est la Compagnie de Paris, la mère de toutes les Compagnies des provinces, qui fait à Molière l’honneur de s’occuper de lui dès qu’elle a connaissance que sa pièce est en préparation.

Reprenons les deux textes que nous venons de lire. Ils se répondent avec précision. Molière accuse des dévots d’avoir entrepris contre lui des démarches pressantes et suivies de succès ; un dévot fait un mérite à son groupe d’avoir travaillé contre Molière. Il y a là ce que, dans les enquêtes judiciaires, on appelle un recoupement. Il est un peu naïf de s’étonner du temps qu’il a fallu à la critique pour découvrir ce fait. Il est de l’essence d’une société secrète — M. de la Palisse aurait trouvé cela — de ne pas être très connue du public ; et c’est par une heureuse chance que le texte révélateur a pu venir au jour. Si le manuscrit de d’Argenson s’était perdu, on aurait certainement pu reconstituer par d’autres voies, quoique dans une bien plus faible mesure, l’histoire de la cabale des dévots ; mais on n’aurait pas eu l’affirmation essentielle qui la met en rapport direct avec la pièce.

Mais comment la Compagnie du Saint-Sacrement avait-elle pu savoir le projet de Molière ? C’est ce qui ressort d’une note de Brossette qui, jusqu’ici, paraissait un peu énigmatique : « Quand Molière, dit-il, composait son Tartuffe, il en récita au roi les trois premiers actes.

  1. Voir notamment : Annales de la Compagnie du Saint-Sacrement, publiées par Dom H. Bauchet-Filleau, Paris, 1900 ; — Raoul ALLIER : La Cabale des Dévots, Paris. 1902 ; — du même : Une société secrète au XVIIe siècle : la Compagnie du Très-Saint-Sacrement de l’Autel à Marseille (documents), Paris, 1909 ; — du même : Une société secrète au XVIIe siècle : la Compagnie du Très-Saint-Sacrement de l’Autel à Toulouse, Une esquisse de son histoire, Paris, 1914. — Alfred REBELLIAU : La Compagnie secrète du Saint-Sacrement, articles de la Revue des Deux-Mondes : « 1er juillet, 1er août et 1er septembre 1903 ; 19 août 1908 ; 1er novembre 1909 ; — du même : La Compagnie secrète du Saint-Sacrement : Lettres du groupe parisien au groupe marseillais, Paris 1908. — Francis BAUMAL : La Genèse du Tartuffe ; Molière et les Dévots (1919).