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Il y a en Palestine deux populations. L’une est composée de la majorité arabe. Elle est docile et ne demande qu’à vivre sa lente vie paresseuse. Elle se considère heureuse lorsque l’administration veut bien lui construire quelques écoles, quelques hôpitaux ou l’arracher des mains d’un effendi trop rapace.

L’autre population est formée par une minorité de Juifs slaves. Ceux qui sont nés en Palestine ou qui y résident depuis longtemps constituent un élément d’ordre et de progrès. Mais les nouveaux arrivés sont absolument étrangers au pays. Leurs lévites, leurs papillotes, leurs mines inquiètes jurent bizarrement avec le calme décor oriental. À l’encontre des Arabes, ces Juifs impressionnent défavorablement, par leur aspect et par leurs mœurs, les fonctionnaires anglais. Ces derniers auront la tâche ingrate de résoudre les nombreux problèmes posés par l’arrivée des fils du ghetto.

Le plus délicat est le problème social.

Il y a des déséquilibrés parmi ces échappés des pogroms. Leurs pères, traqués par le cosaque ou le policier, vécurent dans un état de terreur continuelle. Eux-mêmes ont connu des heures douloureuses qui ont achevé de déranger leur esprit naturellement inquiet. Leur vitalité puissante, longtemps comprimée, fusera peut-être en activité désordonnée. L’esprit critique de ces fils du Talmud, leur goût des interminables discussions trouveront libre champ dans les difficultés du début. Ce petit groupe de fiévreux et de remuants attirera sans doute l’antipathie de l’administration sur toute la population juive. Nous souhaitons qu’il y ait des fonctionnaires au sens politique assez avisé pour comprendre qu’il faut supporter une réaction inévitable, qu’il faut faire confiance à ces Juifs ombrageux dont la puissance de création est immense, qu’il faut ménager un « matériel humain » aussi précieux.

On peut prévoir qu’une grande partie de l’administration anglaise reportera sa sympathie sur la population