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Ce parallélisme entre les initiatives pontificales et les aspirations de la jeune Société des nations aboutira-t-il un jour à une collaboration dûment organisée. ?[1] Déjà, dans la Société, certaines voix l’ont réclamée, et non pas seulement des voix catholiques : les suggestions de Bruxelles, de Louvain, ont trouvé des échos jusqu’à Bâle, jusqu’à Genève. Voilà vingt ans bientôt que l’Association internationale pour la protection des travailleurs, présidée par M. Millerand, accueillit dans ses assises périodiques un délégué de cette puissance papale qui, par la plume de Léon XIII, écrivant à Gaspard Decurtins, réclama jadis une législation internationale du travail. Excellent précédent pour la jeune Société des Nations qui dans l’article 23 de son pacte envisage des organisations internationales « en vue de maintenir des conditions de travail équitable et humain, » et qui ne saurait méconnaître — le père Sertillanges a lumineusement établi ce point. —[2] le parfait accord existant entre les principes du traité de Versailles sur le régime international du travail et les affirmations sociales de Léon XIII et de ses commentateurs. Ainsi se multiplient les points de contact, je dirai presque de compénétration, entre cette ébauche d’internationalisme organisé, issue du traité de Versailles, et le supranationalisme catholique.

Une grande tâche s’offre, désormais, aux juristes catholiques, aux spécialistes catholiques de droit international : ils n’ont qu’à se courber sur l’étude du passé de l’Église, sur l’étude de ces prescriptions et aspirations médiévales qui ont subitement cessé de paraître archaïques ; ils trouveront, dans ce lointain même, des lumières pour nos lendemains et nos surlendemains, et en même temps ils aideront l’Église à remplir, dans l’élaboration de cet avenir, la mission qu’elle tient de son fondateur, celle qu’elle tient de son histoire. Le livre de M. Eugène Duthoit : Aux Confins de la Morale et du Droit Public, celui de M. Louis Le Fur Guerre juste et Juste Paix, témoignent qu’ils sont outillés pour cette besogne, et qu’ils y sont disposés. C’est aux juristes qu’il appartient de reprendre l’œuvre qu’avaient entreprise avant la guerre le regretté M. Vanderpol et ses collègues de la Société Gratry, d’étudier le vieux droit des gens chrétiens, de l’adapter aux besoins nouveaux. Qu’avec leur science, avec leur technique, avec leur langage, ils fassent, dans le domaine du droit international, la besogne qu’accomplissaient, il y a 35 ans, dans le domaine de l’économie politique, les sociologues catholiques réunis à Fribourg : ils amasseront ainsi les éléments d’où sortirait peut-être quelque jour un document pontifical qui serait pour le droit des gens ce que fut l'Encyclique Rerum novarum pour le droit ouvrier.

Léon XIII, dans son encyclique de 1888 aux évêques brésiliens, après avoir cité les textes capitaux de l’Apôtre Paul sur la fraternité humaine, continuait :

  1. Voir le P. Yves de la Brière, La Société des Nations (Paris, 1918).
  2. Sertillanges, la Doctrine catholique et les clauses du travail dans le Traité de Paix (Paris, 1919).