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qui tournaient autour du prince de Conti, ne dissimulaient point leur complaisance pour ses débauches avant sa conversion et firent ensuite auprès de lui assaut de dévotion et de rigorisme affecté ? Il peut bien avoir pensé à cet abbé sans aller jusqu’à le prendre pour le type de ce qu’il voulait stigmatiser sur la scène.

On a nommé Hardouin de Péréfixe, archevêque de Paris ; mais, quand il s’agit de dire ce qu’il a pu fournir à Molière, on ne nous cite que le mot d’Orgon : « Le pauvre homme ! » Franchement, si c’est quelque chose, c’est bien peu.

On a nommé… Mais pourquoi s’acharner à trouver tel ou tel individu qui aurait servi de modèle unique pour Tartuffe ? Molière n’a pas dit que son personnage avait un original, mais des originaux. Lui-même nous indique que sa comédie n’est pas une pièce à clé. Elle dresse devant nous un vice que Molière a cru distinguer dans tout un groupe d’hommes et dont il dénonce le danger. De ce vice, il a cru voir l’incarnation dans la cabale des dévots, dans ce que nous savons aujourd’hui avoir été la Compagnie du Saint-Sacrement ; mais ce serait sortir de la vérité historique que de faire de son œuvre un document de reportage.

V

Arrêtons-nous devant une dernière question. Quelle part de vérité — et tout particulièrement de vérité historique — y a-t-il dans la pièce ? En s’attaquant à la Compagnie du Saint-Sacrement, en prenant parmi ses membres le type de l’imposteur, Molière a-t-il frappé juste ? Le verdict qu’il a prononcé contre la fausse dévotion s’applique-t-il vraiment au groupe auquel, à tort ou à raison, il a pensé ?

Il est bien évident que Molière n’a pas pu connaître la Compagnie dans les détails de son activité. Rien ne l’a jamais fait pénétrer dans l’intimité de ses sentiments profonds. Il ne l’a même pas connue comme telle. Il a su plus ou moins vaguement qu’il y avait quelque part une