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du bienheureux Pierre, la tête du monde, et d’exercer un rayonnement plus large encore en vertu de la religion divine qu’en vertu de la domination terrestre. Car encore qu’à la faveur de multiples victoires, tu aies étendu sur terre et sur mer le droit de ton empire, le domaine qui te fut soumis par la besogne des armes est cependant moins vaste que cet autre domaine, sur lequel la paix chrétienne t’a fait régner. »

Paroles décisives ; après avoir emprunté à ce fait international qu’était l’unité romaine les plus merveilleuses facilités pour la diffusion du nom chrétien, l’Eglise affirmait un autre genre d’unité romaine fondé par la « paix chrétienne » ; désormais l’internationalisme catholique rayonnait.

Mais la « paix chrétienne », suffisait-il de l’affirmer ? il fallait l’accomplir. Se penchant sur ceux d’entre les royaumes barbares qui étaient demeurés rebelles à l’hérésie d’Arius, l’Eglise s’occupa d’abord d’y réaliser la paix chrétienne entre les alluvions de populations qui successivement s’y étaient déposées, vieille population romaine, et populations barbares tour à tour implantées. Elles avaient beaucoup de mal à se coaguler, à ne faire, dans l’enceinte de chaque royaume, qu’un seul peuple. Mais la communion dans un même credo, et la notion chrétienne de la fraternité des âmes, agirent lentement à. la façon d’un ciment. Romain de 5a veille et barbare de la veille, à force de s’entendre dire qu’ils étaient frères ; se sentirent peu à peu, dans chaque royaume, membres d’une même organisation politique ; et, tout doucement, se prépara l’éclosion des patries. C’est ainsi que la première œuvre de l’internationalisme catholique fut d’aider l’humanité dissoute, — oui, dissoute par le fait de la chute de l’Empire romain, — à se classer et à s’ordonner, de nouveau, en un certain nombre de groupements. L’Eglise, qui baptise l’être humain lorsqu’il vient de naître, baptisait les groupements humains avant même qu’ils ne fussent nés. et lorsqu’ils ne faisaient encore qu’aspirer à naître ; il n’y avait pas de France avant le baptistère de Reims, et ce fut dans ce baptistère que commença la lente et progressive éclosion de la France. Le baptême des nations précéda leur naissance, et l’on vit, à travers l’histoire, l’Eglise élever sur les autels les divers personnages qui, dans chaque peuple, avaient aidé, tout à la fois, au développement de la vie chrétienne et aux progrès de l’esprit d’union fraternelle dans le cadre national ; un saint Etienne, un saint Canut, un saint Henri, un saint Ferdinand, un saint Louis.

Arrêtons-nous un instant sur cette première leçon d’histoire : car elle nous révèle un premier aspect de l’internationalisme catholique, sur lequel, tout de suite, il convient d’insister.

Il y a de nos jours un internationalisme niveleur : pour mieux unir les hommes il voudrait abolir leurs cadres naturels d’existence, les patries, et certains de ses adeptes, non parfois sans hypocrisie, considèrent comme une extension suprême de l’amour des hommes un régime dans lequel on n’aurait pas plus de devoirs envers le compatriote qu’envers le Hottentot ou le Papou. Tel n’est pas l’internationalisme catholique. L’Eglise connaît nos instincts altruistes, nos