Page:Revue de Genève, tome 1, 1920.djvu/857

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faits absolument inédits, que dans la mise en valeur de certains phénomènes auxquels on ne prêtait pas l’attention, dans leur rapprochement alors qu’on les considérait comme dissemblables. Refuse-t-on à Newton la gloire d’avoir découvert la gravitation universelle, parce que son trait de génie n’a guère consisté — mais c’était tout ! — qu’à rapprocher des données qui toutes avaient été établies avant lui, à tirer parti des études mathématiques de Descartes et de Fermât, des expériences de Galilée sur la chute des corps, de celles d’Huygens sur la force centrifuge, des observations de Kepler et de Hooke sur le mouvement des planètes ? Sans doute, tout, dans le domaine de la gravitation, avait été découvert, sauf, justement, la loi de gravitation elle-même. Eh bien, nous pouvons dire aussi que rien, dans la psychanalyse, n’est entièrement nouveau sauf, précisément, la psychanalyse.

Pour illustrer cette affirmation, et en même temps pour bien montrer tout ce que nous devons au professeur Freud, prenons quelques-unes des grandes idées qu’il a lancées — le refoulement, la signification des rêves, et d’autres. Nous allons voir que chacune d’elles rappelle des faits qui nous sont très familiers, ou même qui ont pu être déjà signalés, mais qu’en même temps le créateur de la psychanalyse est bien réellement le premier à en avoir saisi l’importance, à les avoir dénommés, codifiés et systématisés. (Il ne peut s’agir ici que de quelques brefs exemples, et nullement d’un exposé ou d’une discussion des opinions de la nouvelle école).

1. Le refoulement : Lorsqu’une impression, ou un souvenir, nous sont pénibles, nous les chassons de notre pensée, nous les refoulons de notre conscience. — Quoi de plus vulgaire, de plus évident ! Qui n’a jamais « chassé de son esprit » une pensée désagréable, une vision répugnante, un souvenir triste, un désir blâmable ? Et cependant, vous aurez beau chercher dans les plus gros traités de psychologie, vous ne trouverez signalé nulle part ce phénomène si banal, et, à plus forte raison, vous n’y découvrirez rien non plus sur son mécanisme, ni sur son rôle, ni sur ses conséquences.