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entité métaphysique, décrivaient les choses de l’esprit plutôt qu’ils ne les expliquaient, et fermaient les yeux aux preuves de son activité propre ? — Quoi qu’il en soit, ce n’est que tout récemment que quelques rares neurologues ou psychiatres ont commencé à emboîter le pas et à rendre au médecin viennois la justice qui lui est due. Le premier, resté longtemps le seul, est le Dr Morichau-Beauchant, de Poitiers ; puis vinrent les Drs Régis et Hesnard, et maintenant ce sont les Drs Dupré et Trepsat qui n’hésitent pas à se compromettre… N’oublions pas d’ajouter à ces noms celui du vieux psychologue Ribot qui, à la fin de sa vie, montrant en cela bien plus de fraîcheur et de liberté d’esprit que maints de ses disciples, a parfaitement distingué tout l’intérêt de la doctrine nouvelle. Ce n’est cependant pas un psychologue de carrière, mais un littérateur, il est vrai, fort bon psychologue à ses heures, M. Paul Bourget, qui, en France, me semble avoir le mieux aperçu le génie du novateur viennois ; dans son roman Némésis (1918), il l’appelle « un des plus originaux parmi les psychiatres modernes », et salue sa « doctrine profonde », qu’il résume en quelques lignes pittoresques : « Notre âme ressemble à ces archipels où des îlots émergent à la surface des vagues, sommets visibles d’invisibles soubassements, de tout un relief sous-marin qui seul expliquerait ces rochers, ces terres, leur distribution, la nature de leur sol. Nos pensées, nos sentiments, nos volontés, reposent de même sur toute une substruction psychique dont les assises nous restent cachées, à nous et aux autres. »

Genève, il faut le dire, avait fait exception, dans les pays de langue française, à, ce mouvement général d’ostracisme ou d’indifférence. A peine parus, les premiers travaux de Freud étaient cités et commentés par M. Flournoy, dont la perspicacité avait vite saisi leur valeur, et dont les idées, d’ailleurs, se rencontraient sur plus d’un point avec celles de l’illustre auteur autrichien, ainsi qu’on peut s’en persuader en parcourant Des Indes à la Planète Mars, publié au début de 1000. alors que la Traumdeutung n’apparaissait que dans le courant de la même année. — Dans la suite, la psychanalyse a trouvé chez