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la vie, dont ont journellement à s’occuper les éducateurs, les médecins, les criminalistes, les historiens. Mais ces faits innombrables, pour la psychologie courante, ne constituent qu’un amas chaotique et obscur.

Dans ce maquis touffu, Freud a percé quelques allées directrices et taillé quelques ouvertures grâce auxquelles l’explorateur désorienté y voit un peu plus clair. Ces faits si disparates, il a proposé une théorie qui les embrasse tous. Vraie ou fausse, cette théorie générale a au moins l’avantage, et ce n’est pas rien, de les relier entre eux, de les coordonner, de les rapprocher tout en marquant ce qui les distingue, de leur assigner à chacun un déterminisme précis, de les faire dériver tous de quelques principes généraux, auxquels a conduit l’observation elle-même. Or, en science, une hypothèse, môme si elle est loin d’être définitivement démontrée — et y a-t-il une théorie qui puisse se flatter de l’être ? — est légitime si elle rend mieux compte que les précédentes des phénomènes qui l’ont suscitée. Elle a légitimement le droit de régner jusqu’à ce qu’une théorie meilleure la détrône.

Que la théorie psychanalytique constitue une hypothèse qui mérite d’être prise en considération, c’est Le moins qu’on puisse dire d’elle. Et les phénomènes dont elle s’occupe sont d’une telle importance, elle étend son empire sur tant de domaines qui intéressent L’humanité, qu’il n’est plus admissible aujourd’hui que le public cultivé nourrisse à son endroit des préventions ridicules, attitude vraiment trop naïve en face de l’édifice imposant que constitue aujourd’hui la somme des travaux de l’école nouvelle.

Mais il est indéniable qu’au premier abord, les théories freudiennes prêtent, à rire. Les explications propos ont souvent l’air diablement « tirées par les cheveux. et l’on se prend, en les lisant, à dire « aie », comme à l’ouïe d’un trop mauvais calembour. De plus, elles font un appel constant aux vicissitudes de l’instinct sexuel, et souvent paraissent répugnantes, — à tel point qu’une revue allemande de philosophie catholique, qui pourtant a coutume de châtier ses expressions, allait récemment jusqu’à qualifier la psychanalyse de Kloset-