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SI LES PEUPLES VEULENT ENCORE VIVRE…

Telle qu’on l’avait conçue au temps de la paix, la Société des nations n’était qu’un grand rêve sage, dans le repos du monde. Il a fallu que la guerre mutilât le monde tout entier pour que la Société des nations, effective et réelle, sortît du cerveau des hommes, durement accouchée par la nécessité. Si la guerre ne se fût déchaînée, sauvage et véhémente, et chaque jour marquée de plus affreux excès, la Société continuerait de vivre dans l’esprit des hommes de bonne volonté, d’une vie embryonnaire, intermittente et vaine. Aux grandes réformes, il faut les grandes crises, pour les féconder ; c’est seulement alors qu’on les voit prendre forme et consistance, qu’elles portent leurs effets et que les belles idées engendrent de belles actions.

Le monde est né très lentement à ce semblant de civilisation des temps modernes. Seule l’expérience des siècles a peu à peu achevé de ruiner la vieille créance que la force prévaut contre le droit. Les nations les plus polies possèdent des lois qui proclament le respect de la propriété d’autrui, la garantissent et protègent les personnes. Mais les lois et la morale internationales ne se sont point inspirées jusqu’ici de la morale et des lois auxquelles sont assujettis les peuples dans les limites des patries.

On ne peut plus à présent tuer quelqu’un et lui prendre son bien sans risquer un châtiment prompt et rigoureux. Hé bien ! c’est précisément cette morale et ces lois qui règlent heureusement les rapports qu’entretiennent entre eux tous les enfants d’un même sol, que la Société des nations veut s’efforcer d’étendre jusqu’aux confins de la terre, qui est la commune patrie de tous les peuples.

Si l’on admet que c’est du maintien de l’ordre et d’une exacte obéissance à des lois justes que dépendent le bonheur et la prospérité d’un peuple au cœur d’un État. il n’y a point de raison pour empêcher que les États, soumis