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la perte irréparable que faisaient une mère, un père ou un enfant. La gloire des victoires n’entrait pas d’un air aussi familier dans les masures que le deuil inévitable qui l’y avait précédée. Il est certain que, parmi les classes qui n’ont point été invitées à prendre part aux brillants tournois et aux grandes mêlées politiques, on s’est montré beaucoup moins sensible à l’idée de l’honneur national et de la victoire du pays qu’à la dure misère que la guerre a causée.

A dire vrai, les seuls esprits qui ont pu estimer avec justesse les valeurs internationales sont ceux-là à qui il fut donné de les apprécier sans qu’un désir de combattre troublât leur jugement. Dans le nombre, de jour en jour plus imposant, de ceux qui répugnaient à se ruer à la guerre, on compta des hommes que leurs croyances religieuses amenaient à travailler pour le règne de la paix sur la terre, et qui rêvaient de mettre à la portée de toutes les mains les choses qui font belle la vie. D’autres souhaitaient l’ère de paix parce qu’ils y voyaient des occasions très favorables d’augmenter la richesse matérielle et le bien-être des peuples. Mais ceux-là ne sont point les hommes dont l’influence peut élever l’humanité à tenter de plus hauts desseins, car leur égoïsme s’accommode souvent de la misère des grandes villes industrielles où, dans les quartiers surpeuplés, la maladie et le vice guettent les enfants malingres et débilités.

Un tel état de choses a entraîné une guerre d’une nouvelle sorte, et le fait est que cette guerre-là, déclarée déjà dans plusieurs pays, en menace d’autres. C’est pour combattre dans leurs rangs et prévenir ces calamités que le Bureau international s’est enfin mis à l’œuvre.

Les philanthropes, hommes d’Etat, penseurs, tous en des moments différents, depuis dix siècles, ont eu des représentants en vue qui ont fait de leur mieux, malgré le scepticisme ambiant, pour prouver combien il est vain, de la part des pays civilisés, de considérer la guerre comme le seul moyen de régler les questions d’honneur national. Et leurs efforts, combinés avec le lent triomphe des grandes masses populaires qui ont conquis le droit de manifester leur volonté, ont créé un courant d’idées qui a